L’écoute, clé de l’action bénévole
Disponibilité, bienveillance et attention sont autant de qualités indispensables à l’écoute. Une attitude nécessaire pour véritablement connaître l’autre et instaurer une relation de confiance. Une posture essentielle à la relation d’aide, qui ne va pas toujours de soi, mais se révèle féconde.
Par Sophie le Pivain, pigiste

Récemment, Danielle Renaudier a reçu une personne d’origine étrangère pour un entretien préalable à l’aide alimentaire : « Elle avait du mal à s’exprimer mais je me suis retenue de compléter ses phrases, j’ai respecté ses silences, en m’efforçant de l’écouter avec le cœur, au-delà des mots et des apparences », témoigne cette Vincentienne, présidente de la Conférence Sainte-Anne de Roche la Molière (Loire). Une attitude « pas toujours facile à tenir », reconnaît-elle, mais dont elle mesure l’importance, surtout depuis qu’elle a reçu une formation de deux jours avec l’Institut Astrée en 2023. Proposée et financée par le Conseil départemental de la Loire, et suivie avec d’autres bénévoles de la région, l’expérience s’est révélée « très positive » . « Si je n’avais pas été formée à l’écoute, j’aurais eu tendance à couper la parole à cette personne. Or c’est très difficile pour quelqu’un de reprendre le fil de son propos après avoir été coupé… Et la relation qui se crée à l’occasion de ces entretiens est précieuse pour offrir un accompagnement de qualité par la suite. »
L’écoute n’est-elle pas une posture à redécouvrir pour tout bénévole, alors que le slogan de la Société de Saint-Vincent-de-Paul invite à « être présent, tout simplement » aux côtés des personnes en situation de précarité ? Hubert de Lamotte en est convaincu, lui qui a encouragé le lancement d’un Café Sourire il y a un peu plus d’un an dans un quartier réputé difficile de Bayeux (Calvados), en tant que président de la Conférence.
Selon le principe de ces lieux qui se développent dans toute la France, on y offre un café, mais surtout, une oreille bienveillante à ceux dont la pauvreté est aussi relationnelle : « Ceux qui viennent sont heureux de parler, et nous de les écouter. Et ils reviennent, signe que cela leur fait du bien », estime-t-il. Au Café Sourire, « on laisse parler les gens sans être directif, c’est à eux de s’exprimer ». À force d’écoute, « on découvre chez eux des tas de talents qu’on n’aurait pas soupçonnés, s’émerveille-t-il. Et peu à peu, ils deviennent nos amis, c’est magnifique !
ÉCOUTER, CELA S'APPREND !
Le Pôle formation du Conseil National de France (CNF) propose des sessions de formation en lien avec l'Institut Astrée ou l’IEDH (Institut Européen pour le Développement Humain).
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Laisser parler les gens
Trouver une oreille attentive pour pouvoir s’exprimer est un besoin crucial de nos contemporains, remarque Aude Siméon, présidente de la Fraternité du Bon Larron (Association Spécialisée de la SSVP), dont les membres accompagnent les détenus et sortants de prison par la correspondance, la prière et l’accueil amical : « Aujourd’hui, tout le monde parle mais personne n’écoute. Quand notre société était encore christianisée, les confesseurs remplissaient ce rôle, qui permettait aux gens de vider leur sac. Puis on s’est tourné vers les psychologues, mais ils sont moins accessibles, et souvent associés à la maladie. Quant aux proches, ils n’ont pas toujours la distance appropriée pour écouter avec sérénité. »
La parole peut se délier
Pour cette experte, qui a longtemps enseigné le français en prison et anime des groupes de parole, l’écoute est avant tout affaire de bienveillance : « Toute personne, surtout quand elle est vulnérable, a besoin d’un cadre sécurisant pour se livrer. C’est particulièrement vrai pour les prisonniers, puisqu’ils savent que leur parole risque de les desservir. Si on sait les mettre en confiance, en leur assurant la confidentialité la plus stricte et sans les juger, en leur accordant du temps et une vraie disponibilité, leur parole peut alors se délier. »
L’écoute porte alors ses fruits : « Rien que le fait de se sentir écouté, reconnu et non jugé fait du bien et recharge les batteries, reprend Aude Siméon. Verbaliser des choses lourdes qu’on porte en soi peut être une vraie libération. » C’est aussi le cas des personnes âgées, public que rencontre beaucoup de bénévoles à la SSVP : « Si elles ont autant besoin de raconter leur passé, c’est que cela leur permet de le revivre, d’une certaine manière : elles mettent du sens dans leur vie et se rendent compte qu’elle n’a pas été si vaine. D’où l’importance de soutenir cette écoute, simplement avec quelques mots qui encouragent cette parole, dans une sorte de maïeutique. » À Bayeux, Hubert de Lamotte a aussi observé les vertus de l’écoute : « Certaines personnes très isolées que nous visitions avaient perdu le courage de soigner leur tenue et leur intérieur. Se sentir reconnues leur a redonné le sentiment de leur dignité. Nous les voyons peu à peu arranger leur maison et se remettre à saluer leurs voisins... »
Créer une relation et gagner la confiance de l’autre demande du temps. « C’est souvent après coup que l’on perçoit combien l’écoute a marqué la personne qui en a bénéficié », relève quant à elle Danielle. La bénévole a renouvelé sa pratique de l’écoute depuis une formation il y a quelques mois. En témoigne ce petit présent apporté un jour par une personne accueillie, en reconnaissance pour l’attention qu’elle avait reçue.
Aujourd'hui tout le monde parle mais personne n'écoute
Un cœur qui écoute
Pour les chrétiens, l’écoute n’est pas un vain mot : « Regardez l’attitude de Marie dans l’Évangile, fait remarquer Aude Siméon. Elle est un modèle pour les écoutants. » La Parole de Dieu regorge de références à la posture d’écoute, abonde Gilles Rebêche, diacre permanent du diocèse de Toulon et responsable de la Diaconie du Var. « Dans le Livre des Rois, Salomon demande à Dieu « donne-moi un cœur qui écoute ». Dieu encourage lui-même cette prière en reconnaissant qu’il s’agit là d’une attitude spirituelle fondamentale. »

Une attitude chrétienne
Autre exemple à méditer, la Visitation, propose le diacre : « voilà une rencontre réussie entre deux personnes qui n’ont trouvé personne avec qui partager quelque chose d’extrêmement fort qu’elles ont vécu, puisque le mari de l’une est muet, et que celui de l’autre hésite à la répudier ! Leur rencontre est une merveille d’écoute mutuelle, de communion. » Lors de la messe qu’il a présidée au Vélodrome à Marseille (Bouches-du-Rhône) en septembre dernier, le pape
François s’est appuyé sur cette scène pour appeler l’humanité à retrouver la capacité de « tressaillir » : « Dieu est relation et souvent il nous rend visite à travers des rencontres humaines, quand nous savons nous ouvrir à l’autre, quand il y a un tressaillement pour la vie de ceux qui passent chaque jour à nos côtés et quand notre cœur ne reste pas impassible et insensible devant les blessures de ceux qui sont les plus fragiles. »

