De la rue à l’action : Yohanne, bénévole engagé en Haute-Loire

Après un parcours chaotique mêlant drogue, délinquance et prison, Yohanne a été accueilli il y a un an par les bénévoles de la Société de Saint-Vincent-de-Paul de Langeac (Haute-Loire). Dopé par son seul courage et la bienveillance des bénévoles, il a remonté la pente et s’implique activement dans l’équipe locale. Par Raphaëlle Coquebert, pigiste.
Est-ce l’influence des douces rives de l’Allier qui bordent la ville ? Ou de la quiétude émanant de l’antique monastère dominicain où vécut la bienheureuse Agnès de Langeac, face au local de la Société de Saint-Vincent-de-Paul ? C’est en tout cas un homme apaisé et souriant qui vous accueille dans ce qui est devenu pour lui un havre de fraternité.
Il faut dire qu’il revient de loin, Yohanne. 40 ans de tribulations qu’il relate avec un mélange de pudeur et de vivacité : « J’avais 14 ans quand je suis tombé dans la drogue. Très fragilisé par des traumatismes, j’étais mal dans ma peau. C’était ma façon d’oublier un temps mes soucis. »
Sa consommation étant irrégulière, l’adolescent, d’origine normande, parvient à faire une école hôtelière et roule sa bosse pendant une décennie dans la restauration et l’agro-alimentaire.
Des années noires
Mais la drogue ne lâche pas facilement sa proie : « Peu à peu, pour m’en procurer, avoue-t-il sans baisser son regard clair et franc, je suis tombé dans la délinquance : vols, manipulations. J’ai atterri en prison : quatre ans derrière les barreaux. » L’enfer ne fait que commencer. Un soir où ses doses lui font perdre la tête, il « se prend pour Superman » (sic) et saute du 5ᵉ étage : il se casse la colonne vertébrale et perd son pied gauche, remplacé par une prothèse en carbone, invisible de prime abord.
Ses six mois d’hospitalisation et de rééducation lui laissent un goût amer : « J’étais si seul ! Après m’avoir longtemps soutenu, mes parents ont coupé les ponts. » À sa sortie, il tombe en dépression et se voit contraint de faire la manche en attendant le versement de sa pension d’invalidité.

La contagion de la bonté
Mais la Providence, en laquelle il croit, veille et lui envoie ses anges. D’abord une sexagénaire qui l’aborde alors qu’il mendie dans la rue au Puy-en-Velay (Haute-Loire) : « Elle a proposé de m’héberger à condition que j’arrête la drogue, se souvient Yohanne avec émotion. Sa bonté m’a donné le courage de relever le défi. Mais, après cinq mois, il m’a fallu trouver autre chose. »
De squats en hébergements sociaux, Yohanne atterrit à Langeac. « Grâce à un sans-abri qui m’a parlé d’un local à proximité de l’église, j’ai rencontré Jean-François [Comte], responsable départemental de la Société de Saint-Vincent-de-Paul. Quelqu’un de formidable. » Autre ange gardien, ce dernier, père de cinq enfants, impliqué tous azimuts auprès des plus fragiles, le prend sous son aile. Mû par un ardent désir de s’en sortir, Yohanne se démène pour trouver un appartement et répond volontiers à la proposition du bénévole de lui rendre quelques menus services. « J’ai été touché par sa confiance, confesse-t-il. J’espérais changer de vie depuis si longtemps ! »
De fil en aiguille, le quadragénaire prend du galon : aujourd’hui, il est le responsable du local SDF dans lequel la Société de Saint-Vincent-de-Paul l’a accueilli un temps et de l’inventaire des stocks pour les distributions alimentaires. Jean-François, auquel on le sent lié par une belle complicité, s’en réjouit : « Il est devenu un pilier de l’équipe locale et apporte un vent de jeunesse qui fait du bien. »
L’ancien toxicomane, désireux aujourd’hui de dispenser « de l’amour et du partage », regarde désormais vers l’avenir : il rêve pêle-mêle de voyager, de devenir père, de s’acheter des prothèses – très onéreuses – pour courir et nager, de faire de la musique et de grandir spirituellement – « Je ne vais pas à l’église, mais je prie chez moi. Je crois en ma bonne étoile. » À voir le chemin parcouru par Yohanne, qui en douterait ?
EN SAVOIR +
« À Langeac, l'équipe compte majoritairement des anciens, constate son président, Jean-François Comte, également à la tête de la structure départementale (CD 43). Mais très dynamiques ! » Visites à domicile, distribution alimentaire tous les 15 jours pour 80 personnes... Cet élan, rendu possible par une étroite collaboration avec les acteurs locaux, « réjouit le cœur » du président. Tout comme la récente arrivée de deux bénévoles plus jeunes.