“Le métier d’agriculteur doit être revalorisé”

Monseigneur Philippe MOUSSET, évêque de Périgueux, témoigne de l’engagement de l’Eglise auprès du monde rural
Cher Père, vous êtes issu du monde rural, fils d’agriculteur, ayant fait des études en Maison Familiale Rurale. Que pensez-vous de la situation actuelle des agriculteurs de notre pays ? Nous savons qu’existe un isolement rural avec des déserts médicaux, taux élevé de suicides.
C’est une situation globalement difficile: il existe plusieurs types d’agricultures et elles ne sont pas touchées toutes de la même manière par les difficultés. La crise agricole est profonde et complexe, multiforme. De nombreux témoignages, dans mes visites pastorales et mes déplacements en rural, me rappellent que le monde agricole est marqué par l’inquiétude, parfois la détresse, de ces hommes et de ces femmes qui travaillent durement sans obtenir la juste rémunération de leur activité. Ils souffrent aussi de manque de reconnaissance de leur métier et de préjugés sans nuances. Le métier d’agriculteur a besoin d’être mieux connu, considéré par l’ensemble de la société car il est unique et nécessaire : en effet, ce sont les agriculteurs qui produisent les aliments dont nous avons besoin pour vivre. C’est la raison pour laquelle le monde agricole doit être l’objet d’un intérêt particulier. Pour vivre et réussir le défi de la transition agri-écologie incontournable, les agriculteurs ont besoin de soutien et de confiance, de temps et d’accompagnement. Dans ces changements il faut faire attention aux plus fragiles et éviter un surcroît de souffrances qui peut aller jusqu’au drame.
Le rural est touché, depuis plusieurs décennies par le phénomène de la désertification qui a pour conséquences directes une difficulté de recrutement de professions importantes pour sa vitalité, comme les médecins par exemple. Et pourtant la société est profondément attachée au monde rural, pour la qualité de la vie, le « bon vivre », la nature, les animaux, les paysages, le patrimoine. Nous y avons encore de nombreuses racines. Le monde rural et un véritable défi de toute la société, car il touche à la qualité de la vie. C’est ensemble que nous pourrons le relever.
Mais tout n’est ni sombre ni négatif. Vous rentrez du Salon de l’Agriculture où vous avez conduit une délégation d’évêques. Que dire des contacts que vous avez eu avec les agriculteurs?
Le salon agricole est un événement exceptionnel. Même s’il n’est pas le reflet de toutes les réalités du monde agricole, il est indéniable qu’il lui offre une occasion en or pour mieux se faire connaître. C’est la raison pour laquelle une délégation d’évêques s’est rendue sur place pour manifester aux agriculteurs notre soutien et notre proximité dans les difficultés auxquelles ils sont confrontés. Nous avons été très bien accueillis. Ils attendaient de nous d’abord une écoute et une compréhension de leurs situations. Nous avons été surpris aussi de l’accueil de notre message enraciné dans Laudato Sii du pape François.
Les contacts avec les agriculteurs rencontrés, les syndicats, les filières de formation, des organismes d’accompagnement agricole ont tous été très bons. Nous avons été encouragés pour favoriser l’écoute, le dialogue, la rencontre, les liens, le débats respectueux.
Évêque d’un diocèse rural du Sud-Ouest (région encore très agricole), Quelle place actuelle l’Église a-t-elle, alors que les paroisses sont plus étendues et que nous savons le manque de prêtres?
L’Eglise a toujours une place. Une place qui ne se mesure pas seulement au seul critère mondain du quantitatif. L’Église en rural en particulier est en train de devenir un petit troupeau. Mais tout cela est dans l’évangile et fait partie de l’expérience chrétienne ; il n’y a pas de naissance et de renouveau qui ne commence par l’expérience de la fragilité des commencements ou des recommencements.
Le manque de prêtres est l’inquiétude la plus grande. Elle devient même souvent comme un cri ! Il faut d’abord remercier et exprimer notre reconnaissance aux prêtres qui font preuve d’une grande fidélité à leur mission. Il faut aussi remercier les prêtres Fidei donum venant de différents diocèses du Cameroun et du Sénégal… Nous vivons là une expérience qui manifeste la catholicité de notre Église diocésaine.
Le premier sacrement qui fonde notre identité et notre être chrétien, c’est le baptême. C’est là que s’origine pour chacun de nous l’appel à déployer la grâce reçue, dans la vie de nos familles, dans nos villages, nos quartiers, nos réseaux, notre vie professionnelle, nos communautés et nos multiples engagements. C’est pour cette mission que le ministère des évêques, des prêtres et des diacres nous est donné, afin que nous puissions vivre notre sacerdoce baptismal, au service de l’annonce de l’Évangile. J’invite les communautés chrétiennes à s’épauler les unes aux autres . Nous sommes invités à plus de solidarité entre les paroisses pour faire face à la Mission, il faut mettre en commun les personnes et les moyens pour la catéchèse, la célébration des obsèques, la préparation des baptêmes et des mariages, etc…
Et nous avons aussi à prier pour les vocations : cette prière manifeste que nos communautés demeurent dans la confiance en Dieu, et, comme Marie de Nazareth, se laissent saisir et conduire par l’Esprit Saint qui « sait ce dont nous avons besoin à chaque instant et à chaque époque » (Evangeli Gaudium, 280 du pape François )
Propos recueillis par Jean-Claude -Peteytas, diacre et bénévole à la Société de Saint-Vincent-de-Paul