Damien Mayet, Olivier de Marcellus Chez les Petites Sœurs des Pauvres : faire avec et voir loin
L'accueil, c'est aussi une affaire de murs
Prendre soin des espaces d’accueil est aussi crucial que l’attitude des bénévoles face aux personnes reçues. Plusieurs projets immobiliers et de rénovation se développent partout sur le territoire. Les changements qu’ils entraînent galvanisent les bénéficiaires et les personnes accueillies. Dossier réalisé par Meghann Marsotto, pigiste.
L’accueil, première image que l’on renvoie
« Ce n’est pas parce qu’on essaie de soutenir des personnes en grande vulnérabilité et en grande précarité qu’on doit le faire dans un lieu précaire, affirme Loraine Henry, directrice du Collectif Partage et Projets (CPP) situé à Clermont-Ferrand (63). L’accueil, c’est la première image que vous renvoyez, que ce soit dans la manière de dire bonjour ou par le bâti. Quand la personne passe la porte d’entrée, si elle découvre un lieu qui inspire la confiance, la sécurité, elle tirera meilleur profit des services proposés. Se sentir bien permet de faire tomber les défenses et de s’ouvrir un peu plus. Cela facilite la demande d’aide et encourage à revenir. »
À la Société de Saint-Vincent-de-Paul, de nombreuses équipes locales (Conférences) font le même constat et, depuis quelques années, s’engagent dans des rénovations et projets immobiliers. Le plus souvent, ils sont impulsés par la contrainte (reprise du local par son propriétaire, destruction du lieu, problèmes électriques…) ou parfois par une opportunité inattendue (vente du local loué, délivrance d’un legs, nouvelle attribution des mètres carrés…).
Ces projets demandent de la patience. À Nieppe (59), Dominique Decoune, président de l’équipe locale (Conférence Notre-Dame-de-Bon-Secours), indique : « On a détapissé, cassé les toilettes, on va faire des W.C. accessibles aux personnes à mobilité réduite. Là, je démonte tout le système de chauffage pour passer du fioul à l’électrique. »
Bénévoles et personnes accueillies prodiguent fréquemment leur aide. À Athis-Mons (91), dans l’accueil de jour Jean-Marfaing, les visiteurs réguliers ont participé à la mise en œuvre des rénovations qu’ils réclamaient. Clément Monnier, directeur de la structure, se réjouit : « Quelques volontaires, encadrés par des salariés et un agent technique, ont réalisé des peintures de rafraîchissement, ce qui a permis de rendre plus économique la rénovation et que chacun s’approprie davantage les lieux. »
Du temps, de l’énergie, mais aussi du mobilier ou des équipements sont souvent offerts, comme à Orléans (45), où le Café Sourire du Conseil départemental (CD) fraîchement inauguré a reçu un canapé, une étagère, un four, une cafetière, de la vaisselle…
De nouvelles collaborations
La bonne volonté ne suffit pas toujours, et parfois vient la nécessité de faire appel à des professionnels : Pierre Niclot, président de l’équipe locale de Tours Centre Saint-Julien-Saint-Martin (37), a lancé des travaux « pour transformer le local en établissement recevant du public (ERP) de catégorie 5. Pour la reconstruction intérieure, on a fait appel à un architecte qui a conçu le projet et à un maître d’œuvre qui a piloté les travaux. »
Les mètres carrés peuvent créer des opportunités comme à Perpignan (66) : « Avec ses 300 m² cour comprise, le local permettait d’envisager une salle beaucoup plus grande pour le Café Sourire, mais aussi la création d’un espace sanitaire avec toilettes et douches et d’un espace laverie. Pour lancer ça, il fallait beaucoup de bénévoles et on risquait de manquer de bras. On a donc décidé de s’associer avec l’Ordre de Malte, qui offre de surcroît la possibilité d’un accueil médical », illustre Bernard Mallet, président du Conseil départemental des Pyrénées-Orientales (66).
Créer des espaces de confiance qui tissent un lien durable.
L’expérience des personnes accueillies
Le financement est souvent un défi, mais les équipes locales (Conférences) peuvent recevoir l’aide de leur Conseil départemental et du Conseil national de France (CNF). Chacun s’accorde sur la nécessité de faire des choix économiques raisonnés. Il existe toutefois des situations où il faut desserrer les cordons de la bourse : « Je repense au témoignage d’une bénéficiaire, évoque Hugo Franck, architecte à Royat (63), qui m’a dit "S’il vous plaît, ne mettez pas des dalles 360 au plafond car à chaque fois que je vais à l’hôpital, quand je suis alitée, c’est ce que mes yeux contemplent à longueur de journée".. Ce choix de matériau est plus économique mais on l’a contourné, pour tenir compte de l’expérience de cette bénéficiaire. »
Les visiteurs précaires sont reconnaissants de bénéficier d’espaces soignés : « Sur l’ensemble de nos hébergements, c’est prouvé et on le voit à chaque fois : plus le lieu est accueillant, propre et digne, plus le public le respecte et y fait attention », conclut la directrice du CPP, Loraine Henry.
Des liens renouvelés
Le changement de décor permet aussi d’envisager de nouveaux liens : « On avait un local, c’était le logement du directeur d’une école qui était vacant. Il était vieillot, ne nous appartenait pas et se trouvait dans un état… Moi, j’avais honte ! Ici, on peut privilégier la rencontre, partager des moments de joie et d’échange et pas seulement remettre un colis en entretenant une relation de donneur/receveur », partage Catherine Bataille, vice-présidente du CD du Loiret (45). Sa présidente Hélène Henry-Biabaud abonde : « Les personnes accueillies d’une semaine deviennent les accueillants des semaines suivantes. Et les bénévoles en repartent largement bénéficiaires. » La transformation des locaux renforce donc le bien-être des visiteurs, mais aussi celui des bénévoles. Estelle Haxel, présidente de l’équipe locale Saint-Maurand-Saint-Amé à Douai (59), confirme : « Aujourd’hui, on a plus de plaisir à ouvrir la porte, à être sur place… c’est plus propre et plus sûr. Désormais, on a un projet de rénovation de la cuisine, restée dans son jus depuis 38 ans ! »
Les projets peuvent ne pas produire immédiatement tous les effets attendus. « On a cherché à créer du lien entre les différentes Conférences du département en rénovant un local en hypercentre de Lyon (69), qui puisse être une vitrine et permette l’ancrage d’équipes qui n’avaient pas d’espace bien identifié, rapporte la présidente du CD du Rhône (69), Émilie Dontail. La distribution alimentaire a repris, une aide aux démarches administratives s’est créée à l’initiative de la Conférence locale mais, pour le moment, ça n’a pas donné lieu à d’autres activités proposées par les équipes voisines. » Gageons que le temps fera son œuvre.
Partout, du soin des espaces à l’attitude des bénévoles, du café offert au recoin permettant la confidence, il faut s’employer à créer des espaces de confiance qui tissent un lien durable. Car, comme l’a rappelé Serge Castillon, président national de la Société de Saint-Vincent-de-Paul, à l’inauguration du Café Sourire d’Orléans (45), « Il faut aller à la rencontre de l’autre comme à celle du Christ. C’est ainsi qu’on s’inscrit dans l’esprit de la Règle internationale, qui demande de déceler et répondre à toutes les formes de solitude et de pauvreté locales et de s’adapter aux changements du monde. »
