L'accueil, c'est aussi une affaire de murs

Prendre soin des espaces d’accueil est aussi crucial que l’attitude des bénévoles face aux personnes reçues. Plusieurs projets immobiliers et de rénovation se développent partout sur le territoire. Les changements qu’ils entraînent galvanisent les bénéficiaires et les personnes accueillies. Dossier réalisé par Meghann Marsotto, pigiste.

L’ac­cueil, première image que l’on renvoie

 « Ce n’est pas parce qu’on essaie de soute­nir des personnes en grande vulné­ra­bi­lité et en grande préca­rité qu’on doit le faire dans un lieu précaire, affirme Loraine Henry, direc­trice du Collec­tif Partage et Projets (CPP) situé à Cler­mont-Ferrand (63). L’ac­cueil, c’est la première image que vous renvoyez, que ce soit dans la manière de dire bonjour ou par le bâti. Quand la personne passe la porte d’en­trée, si elle découvre un lieu qui inspire la confiance, la sécu­rité, elle tirera meilleur profit des services propo­sés. Se sentir bien permet de faire tomber les défenses et de s’ou­vrir un peu plus. Cela faci­lite la demande d’aide et encou­rage à reve­nir. »
À la Société de Saint-Vincent-de-Paul, de nombreuses équipes locales (Confé­rences) font le même constat et, depuis quelques années, s’en­gagent dans des réno­va­tions et projets immo­bi­liers. Le plus souvent, ils sont impul­sés par la contrainte (reprise du local par son proprié­taire, destruc­tion du lieu, problèmes élec­triques…) ou parfois par une oppor­tu­nité inat­ten­due (vente du local loué, déli­vrance d’un legs, nouvelle attri­bu­tion des mètres carrés…).

Ces projets demandent de la patience. À Nieppe (59), Domi­nique Decoune, président de l’équipe locale (Confé­rence Notre-Dame-de-Bon-Secours), indique : « On a déta­pissé, cassé les toilettes, on va faire des W.C. acces­sibles aux personnes à mobi­lité réduite. Là, je démonte tout le système de chauf­fage pour passer du fioul à l’élec­trique.  »
Béné­voles et personnes accueillies prodiguent fréquem­ment leur aide. À Athis-Mons (91), dans l’ac­cueil de jour Jean-Marfaing, les visi­teurs régu­liers ont parti­cipé à la mise en œuvre des réno­va­tions qu’ils récla­maient. Clément Monnier, direc­teur de la struc­ture, se réjouit : « Quelques volon­taires, enca­drés par des sala­riés et un agent tech­nique, ont réalisé des pein­tures de rafraî­chis­se­ment, ce qui a permis de rendre plus écono­mique la réno­va­tion et que chacun s’ap­pro­prie davan­tage les lieux. »
Du temps, de l’éner­gie, mais aussi du mobi­lier ou des équi­pe­ments sont souvent offerts, comme à Orléans (45), où le Café Sourire du Conseil dépar­te­men­tal (CD) fraî­che­ment inau­guré a reçu un canapé, une étagère, un four, une cafe­tière, de la vais­sel­le…

De nouvelles colla­bo­ra­tions

La bonne volonté ne suffit pas toujours, et parfois vient la néces­sité de faire appel à des profes­sion­nels : Pierre Niclot, président de l’équipe locale de Tours Centre Saint-Julien-Saint-Martin (37), a lancé des travaux « pour trans­for­mer le local en établis­se­ment rece­vant du public (ERP) de caté­go­rie 5. Pour la recons­truc­tion inté­rieure, on a fait appel à un archi­tecte qui a conçu le projet et à un maître d’œuvre qui a piloté les travaux. » 

Les mètres carrés peuvent créer des oppor­tu­ni­tés comme à Perpi­gnan (66) : «  Avec ses 300 m² cour comprise, le local permet­tait d’en­vi­sa­ger une salle beau­coup plus grande pour le Café Sourire, mais aussi la créa­tion d’un espace sani­taire avec toilettes et douches et d’un espace lave­rie. Pour lancer ça, il fallait beau­coup de béné­voles et on risquait de manquer de bras. On a donc décidé de s’as­so­cier avec l’Ordre de Malte, qui offre de surcroît la possi­bi­lité d’un accueil médi­cal  », illustre Bernard Mallet, président du Conseil dépar­te­men­tal des Pyré­nées-Orien­tales (66).

A Tours, les locaux ont été rénovés

Créer des espaces de confiance qui tissent un lien durable. 

L’ex­pé­rience des personnes accueillies

Le finan­ce­ment est souvent un défi, mais les équipes locales (Confé­rences) peuvent rece­voir l’aide de leur Conseil dépar­te­men­tal et du Conseil natio­nal de France (CNF). Chacun s’ac­corde sur la néces­sité de faire des choix écono­miques raison­nés. Il existe toute­fois des situa­tions où il faut desser­rer les cordons de la bourse : « Je repense au témoi­gnage d’une béné­fi­ciaire, évoque Hugo Franck, archi­tecte à Royat (63), qui m’a dit "S’il vous plaît, ne mettez pas des dalles 360 au plafond car à chaque fois que je vais à l’hô­pi­tal, quand je suis alitée, c’est ce que mes yeux contemplent à longueur de jour­née".. Ce choix de maté­riau est plus écono­mique mais on l’a contourné, pour tenir compte de l’ex­pé­rience de cette béné­fi­ciaire. »
Les visi­teurs précaires sont recon­nais­sants de béné­fi­cier d’es­paces soignés : « Sur l’en­semble de nos héber­ge­ments, c’est prouvé et on le voit à chaque fois : plus le lieu est accueillant, propre et digne, plus le public le respecte et y fait atten­tion », conclut la direc­trice du CPP, Loraine Henry.

Des liens renou­ve­lés

Le chan­ge­ment de décor permet aussi d’en­vi­sa­ger de nouveaux liens : « On avait un local, c’était le loge­ment du direc­teur d’une école qui était vacant. Il était vieillot, ne nous appar­te­nait pas et se trou­vait dans un état… Moi, j’avais honte ! Ici, on peut privi­lé­gier la rencontre, parta­ger des moments de joie et d’échange et pas seule­ment remettre un colis en entre­te­nant une rela­tion de donneur/rece­veur  », partage Cathe­rine Bataille, vice-prési­dente du CD du Loiret (45). Sa prési­dente Hélène Henry-Biabaud abonde : « Les personnes accueillies d’une semaine deviennent les accueillants des semaines suivantes. Et les béné­voles en repartent large­ment béné­fi­ciaires.  » La trans­for­ma­tion des locaux renforce donc le bien-être des visi­teurs, mais aussi celui des béné­voles. Estelle Haxel, prési­dente de l’équipe locale Saint-Maurand-Saint-Amé à Douai (59), confirme : « Aujour­d’hui, on a plus de plai­sir à ouvrir la porte, à être sur place… c’est plus propre et plus sûr. Désor­mais, on a un projet de réno­va­tion de la cuisine, restée dans son jus depuis 38 ans ! »
Les projets peuvent ne pas produire immé­dia­te­ment tous les effets atten­dus. « On a cher­ché à créer du lien entre les diffé­rentes Confé­rences du dépar­te­ment en réno­vant un local en hyper­centre de Lyon (69), qui puisse être une vitrine et permette l’an­crage d’équipes qui n’avaient pas d’es­pace bien iden­ti­fié, rapporte la prési­dente du CD du Rhône (69), Émilie Dontail. La distri­bu­tion alimen­taire a repris, une aide aux démarches admi­nis­tra­tives s’est créée à l’ini­tia­tive de la Confé­rence locale mais, pour le moment, ça n’a pas donné lieu à d’autres acti­vi­tés propo­sées par les équipes voisines. » Gageons que le temps fera son œuvre.
Partout, du soin des espaces à l’at­ti­tude des béné­voles, du café offert au recoin permet­tant la confi­dence, il faut s’em­ployer à créer des espaces de confiance qui tissent un lien durable. Car, comme l’a rappelé Serge Castillon, président natio­nal de la Société de Saint-Vincent-de-Paul, à l’inau­gu­ra­tion du Café Sourire d’Or­léans (45), « Il faut aller à la rencontre de l’autre comme à celle du Christ. C’est ainsi qu’on s’ins­crit dans l’es­prit de la Règle inter­na­tio­nale, qui demande de déce­ler et répondre à toutes les formes de soli­tude et de pauvreté locales et de s’adap­ter aux chan­ge­ments du monde.  »

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