L'accueil, c'est aussi une affaire de murs
Damien Mayet, Olivier de Marcellus Chez les Petites Sœurs des Pauvres : faire avec et voir loin
Damien Mayet, coordinateur maintenance et sécurité, et Olivier de Marcellus, chargé de projet, travaillent chez les Petites Sœurs des Pauvres, dans la Province de Rennes. Ils y créent, rénovent et entretiennent des lieux de vie pour les personnes âgées et/ou précaires.

Quelle est l’importance de la qualité et de l’entretien des locaux chez les Petites Sœurs des Pauvres ?
Nos lieux de vie sont pensés pour être agréables, adaptés et on les entretient. Parfois, il vaut mieux vendre des mètres carrés mal investis pour soigner un bien qui a un projet. En outre, être fonctionnel, c’est important, mais l’esthétique aussi compte.
Quand on vit dans un lieu mal adapté à ses besoins, avec une déco pas sympa, on n’est pas heureux. On a besoin de soleil, par exemple, donc il faut que la lumière puisse entrer. Il faut que nos portes s’ouvrent sur des espaces modernes, dans lesquels on se sente bien, chez soi.
Les choses belles sont respectées, y compris par des publics en précarité. Et les espaces qu’on possède participent de notre image. Est-ce qu’on veut transmettre un sentiment d’essoufflement ou de dynamisme ?
Comment bien s’y prendre pour mener un projet de rénovation ?
Nous croyons que rien n’est trop beau pour les pauvres et nous nous disons toujours que la Providence pourvoira, mais, en toute sincérité, on n’a pas toujours besoin de réaliser des dépenses inconsidérées pour satisfaire les occupants d’un lieu. D’expérience, en voulant trop bien faire, parfois, on se plante. Concevoir un espace avec de longs couloirs, tout décorés et lumineux soient-ils, peut se révéler une très mauvaise idée si les usagers ont besoin de déambulateurs pour se déplacer au quotidien. Il nous semble donc qu’avant de conduire un projet architectural il convient d’élaborer un projet social. Il faut se demander ce qu’on veut vivre et avec quelle population. À partir de là, on écrit un programme. Idéalement, il faut inclure les personnes destinataires, ce qui n’est pas toujours facile. La dérive, ce serait de penser à soi : l’organisation, les bénévoles, les salariés… à ce qui nous fait plaisir à nous plutôt qu’à ce qui relève du désir des personnes accueillies.
Comment bien s’entourer ?
On peut regarder ce qui se fait ailleurs. Nous, par exemple, sommes allés voir l’Unafo, l’Union professionnelle du logement accompagné. Nous avons également visité d’autres pensions de famille. Certaines nous ont plu, d’autres moins. Nous trouvons essentiel de nous laisser surprendre. À cet égard, c’est intéressant, lorsqu’on mène un projet d’envergure, de publier un appel à projets et de découvrir les propositions de plusieurs architectes… On se donne les meilleures chances de choisir l’aménagement qui va le mieux traduire l’intention du projet. Il est essentiel de croiser les regards. Nous, par exemple, travaillons avec une collègue infirmière qui a l’œil en matière de care*, avec les Petites Sœurs qui ont une vision… notre comité de pilotage se compose de 6–8 personnes. Devoir rendre compte permet de vérifier sa pensée et aide à avancer, mais un cercle limité préserve une certaine agilité. C’est un équilibre à trouver.
Comment s’y prendre pour réaliser des rénovations qui conservent leur pertinence dans la durée ?
La première chose à faire, pour cela, consiste à miser sur la qualité et donc sur des matériaux solides. Il faut aussi penser l’exploitation future : l’organisation des lieux, les circulations, les coûts d’entretien, les consommations énergétiques… À Dinan (22), par exemple, nous avons ouvert une maison dans les années 1980. Nous étions parmi les premiers, à l’époque, à choisir des fenêtres alu-bois, alors trois fois plus chères que des fenêtres bois classiques. C’était un effort économique mais on voyait loin. Le temps nous a donné raison. Parfois, en choisissant de dépenser davantage au départ – par exemple en investissant dans l’isolation, en sélectionnant des matériaux biosourcés… – non seulement, on peut aller chercher des subventions mais en plus, à long terme, on réalise des économies sur la consommation de fluides tout en réduisant son impact carbone. Il faut par ailleurs être conscient que le projet social de demain n’est pas forcément le même qu’aujourd’hui. C’est pertinent, donc, de préparer la modularité des espaces en mettant, par exemple, des attentes sur des tuyaux pour des usages ultérieurs, en installant des colonnes pour permettre des transformations futures… Pour résumer, il faut une coque extérieure solide et pérenne et un intérieur transformable et modulable.
*care : éthique du soin, sollicitude.

