Brunilda: "Aider quelqu’un, c’est s’aider soi-même"
En ce moment, ce qui préoccupe Brunilda, ce sont les ronds-points. « Ce n’est pas facile de comprendre ces carrefours giratoires » explique dans un petit rire la jeune femme de 33 ans. Dans quelques semaines, elle espère bien passer son permis de conduire. Une nouvelle étape franchie pour celle dont la route n’était pas toute tracée. « Je suis arrivée en France en 2015, raconte-t-elle, avec mon mari et mon bébé. Nous venions d’Albanie, nous avions déjà vécu deux ans en Suède et puis nous sommes venus à Mulhouse (Haut-Rhin). »
Dans ce coin d’Alsace, le destin bascule encore pour Brunilda. La jeune mère de famille se retrouve rapidement seule avec son jeune fils. Sans papiers et sans ressource, isolée dans un hôtel que la police menace d’évacuer, Brunilda, issue « d’une famille catholique très croyante », a le réflexe de se tourner vers l’église de la ville. « C’est la paroisse Saint-Étienne de Mulhouse qui m’a trouvé un hébergement à Riedisheim, dans la ville juste à côté, pour mon fils et moi. » La Conférence de Riedisheim prend en charge Brunilda pour l’accompagner au-delà du simple logement.
TRAVAILLER EN RÉSEAU POUR MIEUX ACCOMPAGNER
« Mulhouse est une ville pauvre et généreuse, détaille Hubert Vis, Président de la Conférence de Riedisheim. L’une des particularités de notre Conférence, c’est le travail en réseau pour apporter un accompagnement spécifique en fonction des savoir-faire. » (lire En savoir +) L’équipe est notamment liée avec la congrégation des Serviteurs de Jésus et Marie. « Ensemble, nous avons financé le CAP (Certification d’Aptitude Professionnelle) de coiffure pour Brunilda, précise Hubert Vis, car, ici, son diplôme albanais n’était pas reconnu. Cette année, nous faisons la même chose pour une réfugiée irakienne. » La jeune Albanaise est donc bien entourée pour avancer malgré les difficultés. « J’avais parfois du mal à comprendre les papiers ou les factures, se souvient-elle. À chaque fois que j’ai eu des difficultés, la Société de Saint-Vincent-de-Paul était là pour moi. Hubert Vis est aussi venu me chercher en voiture pour les rendez-vous à Pôle Emploi. » Au fil des mois, Brunilda a obtenu du travail et des papiers. « Elle a su assumer un parcours difficile et construire un projet de vie » constate Hubert Vis.
TROUVER DU SOUTIEN DANS L’ÉCHANGE
Désormais salariée dans un salon de Saint-Louis, à quelques kilomètres de Mulhouse, Brunilda envisage l’avenir sereinement : « en septembre, j’entame une nouvelle formation, un brevet professionnel qui me permettra d’ouvrir mon propre salon de coiffure et de soins du corps. Je veux rester ici à Riedisheim. J’aime cet endroit, c’est comme un village. » Un village de 13 000 habitants quand même, mais où la jeune femme a tissé un réseau amical fort. « J’ai rencontré des gens simples et justes, dont Hubert Vis et son épouse. J’étais chez eux pour le déjeuner l’autre jour, nous avons gardé une belle complicité. » Elle est restée très liée aux frères Serviteurs de Jésus et Marie, participe à des pèlerinages… Au début du mois de mai, la jeune Albanaise a retrouvé plusieurs Vincentiens à l’occasion d’une journée fraternelle organisée à Issenheim (Haut-Rhin). « Il y avait une belle énergie, alors j’ai pris la parole, bien que je sois timide, je n’ose pas parler en public. » Brunilda aimerait avoir toujours le mot juste pour exprimer sa pensée avec précision.
La vie et la foi de Brunilda nous disent quelque chose de la fraternité.
Mais, ce jour-là, elle a tenu à partager son histoire, convaincue que c’est dans l’échange que chacun peut trouver du soutien. « Aider quelqu’un, c’est s’aider soi-même, c’est beau et enrichissant. » Présent lors de la journée fraternelle, Hubert Vis confie être « marqué par la vie et la foi de Brunilda. Cela a quelque chose à nous dire de la fraternité. »
Avec persévérance, la jeune Albanaise avance dans la vie. « Il faut voir le verre à moitié plein, c’est Hubert Vis qui m’a donné ce conseil, en me disant : regarde déjà tout le chemin que tu as parcouru ! » Et peu importe que ce chemin comporte des virages ou même des ronds-points, Brunilda n’est pas du genre à se laisser décourager.
Valérie-Anne Maitre, rédactrice en chef adjointe
EN SAVOIR +
Créée en 1932, la Conférence de Riedisheim est œcuménique depuis plusieurs années. Depuis 2012, son action principale est liée à la gestion de l’épicerie sociale grâce à un partenariat avec le CCAS (Centre communal d’Action Sociale). 80 foyers environ en sont bénéficiaires. Autre particularité de la Conférence : le travail en réseau avec les frères des Serviteurs de Jésus et Marie et une association diocésaine (TJL) pour accompagner financièrement et socialement les personnes en difficulté. La quinzaine de Vincentiens assure aussi des visites à domicile ou en EHPAD et de l’aide ponctuelle d’urgence et de distribution de colis alimentaires.