« J’allais vers la vie en venant à la Société de Saint-Vincent-de-Paul  »

D’ac­cueillie à béné­vole, Agnès Wenta a pris depuis quelques mois une nouvelle respon­sa­bi­lité : prési­dente de l’équipe béné­vole d’Auxerre (89). Et, sur sa route chemine à ses côtés Brigitte Jannot-Bélissent, silhouette discrète et bien­veillante. Par Valé­rie-Anne Maitre, rédac­trice en chef adjointe

Ce jour-là, elles sont toutes les deux vêtues de vert. Et il n’y a pas que la tenue qu’elles ont en commun. Un solide sens de l’hu­mour, un grand sourire et une belle compli­cité aussi. À Auxerre (Yonne) on a rendez-vous dans le bureau de la prési­dente de l’équipe locale de béné­voles: la Confé­rence Saint-Germain. Les voilà assises, côte à côte, en train de mani­pu­ler le boîtier magné­tique qui sert aux opéra­tions bancaires. Agnès Wenta, 57 ans, prési­dente de l’équipe, prend des notes sous la dictée de Brigitte Jannot-Bélissent, 73 ans. Cette dernière vient de trans­mettre ses fonc­tions à Agnès, après 10 ans de mandat. « C’est une belle histoire », nous avait écrit Brigitte dans un mail. On est venu voir.

Il y a deux ans à peine, Agnès passait la porte du local en tant « qu’ac­cueillie ». Agnès souf­frait d’une grande soli­tude à la suite du décès de son mari pendant l’épi­dé­mie de Covid-19. Et puis, un jour « Brigitte est venue à moi. » Dans le collège où elle enseigne, Agnès entend la béné­vole de la Société de Saint-Vincent-de-Paul témoi­gner de sa foi et parler des actions de l’as­so­cia­tion. « Et là… il s’est passé un truc, j’ai senti que j’avais besoin d’aide, même si ce n’est pas facile de deman­der. » De l’aide, Brigitte a l’ha­bi­tude qu’on lui en demande et elle a toujours une solu­tion. On vient de le consta­ter à l’ins­tant pour trou­ver un couvert et une assiette à un retar­da­taire au repas partagé du vendredi : « Ah non ! pas ques­tion qu’il reste à la porte. On va se pous­ser pour lui faire de la place à table. »

Accueillie puis béné­vole

Brigitte prend donc le numéro d’Agnès et la rappelle. « Je lui ai proposé de venir à l’ate­lier de pein­ture le mercredi. J’ai juste dit aux accueillis « voici Agnès ». Ils ont été d’une déli­ca­tesse avec elle ! Ils ont senti qu’il fallait la lais­ser tranquille.  » Agnès s’ins­talle avec des pinceaux et la pein­ture en bout de table. Au fil des semaines, cette seule sortie lui apporte une pause dans un quoti­dien diffi­cile. Peu à peu, elle se rapproche des autres, échange quelques mots et prend la parole lors des réunions. Bien­veillante et patiente, Brigitte voit sa proté­gée s’ou­vrir et prendre confiance. Sans la brusquer, elle lui propose un jour de passer d’ac­cueillie à béné­vole. « J’ai vécu une souf­france et j’ai été vrai­ment accueillie, récon­for­tée, cela m’a forgée, confie Agnès. J’al­lais vers la vie en allant à la Société de Saint-Vincent-de-Paul. » Et puis, rapi­de­ment, Brigitte fait une autre propo­si­tion : celle de prendre la prési­dence de l’équipe locale. Depuis un moment elle cherche un succes­seur, Agnès est sans doute celle qui convient. « Certains béné­voles m’ont même suggéré son nom » raconte Brigitte en riant. Après un temps de réflexion, Agnès ose se «  faire confiance » et accepte. « Les béné­voles m’ont tous proposé leur aide. » Dont Brigitte forcé­ment.

Voir les actions de l’équipe d’Auxerre

Côte à côte mais  chacune à sa place

«  Alors ? Tu veux savoir comment ça se passe, la tran­si­tion ? » demande Brigitte à la repor­ter, mi-intri­guée mi-amusée et qui prend des notes depuis une heure. Visi­ble­ment, à les voir plai­san­ter et travailler, la tran­si­tion se passe très bien. Et chacune a trouvé sa place.

C’est l’heure du déjeu­ner et les deux prési­dentes (Brigitte assure désor­mais la prési­dence de l’équipe dépar­te­men­tale), complices, devisent encore joyeu­se­ment à propos des dossiers en cours. Tandis que l’une prend soin de s’ef­fa­cer avec déli­ca­tesse – « Cela te gêne si je reste pendant les réunions ? » – l’autre prend déjà son envol – « J’aime bien Brigitte, mais je ne veux pas l’ap­pe­ler systé­ma­tique­ment. ». Côte à côte (encore !) elles analysent ensemble les premiers pas de cette nouvelle prési­dence. Et le chemin parcouru depuis deux ans. « Les accueillis m’ac­com­pagnent autant que les béné­voles  » souligne Agnès. « Et pour­tant, j’ai pas l’im­pres­sion qu’on a fait grand-chose, non ? » s’in­ter­roge soudai­ne­ment Brigitte, qui ajoute : « il ne faut pas vouloir en faire trop, il faut se conten­ter de peu.  » 

Le repas se termine. Avec un peu d’émo­tion dans la voix, Brigitte parle d’une jeune fille qu’elle a aidée à sortir de la drogue, d’une béné­vole accom­pa­gnée en fin de vie. « Et puis il y a Agnès.  » Pour celles-là, et sans doute beau­coup d’autres, Brigitte a été présente, simple­ment. Et elle a fait bien plus « qu’un peu ».  

Ce n’est pas facile de demander de l’aide.

EN SAVOIR +

En plus des maraudes et du Café Sourire hebdo­ma­daires, l’équipe locale orga­nise des repas parta­gés et de la  distri­bu­tion alimen­taire. Les béné­voles proposent des acti­vi­tés ludiques et manuelles ainsi qu’un atelier de pein­ture le mercredi. 

L’art d’être ensemble: l’ate­lier pein­ture