La notion de solidarité est universelle 

À quelle occa­sion avez-vous entendu parler pour la première fois de notre asso­cia­tion ?

Je viens d’une région, le Poitou, et d’une ville, Poitiers, où les Confé­rences sont très actives et ce, depuis long­temps. J’ai donc eu connais­sance de l’ac­tion chari­table de la Société bien avant de savoir préci­sé­ment qui avait été Monsieur Vincent, aumô­nier des galè­res… Cette vie telle­ment exem­plaire, je ne devais la décou­vrir que plus tard, lors de mes lectures innom­brables sur le Grand Siècle.
Vous avez consa­cré plusieurs émis­sions sur Radio Clas­sique à saint Vincent de Paul, Louise de Marillac et derniè­re­ment à Frédé­ric Ozanam. Qu’est-ce qui vous a donné envie de racon­ter leur histoire ?

L’émis­sion sur Frédé­ric Ozanam m’a été deman­dée ; mais je l’ai accep­tée d’en­thou­siasme.

Les trois hautes figures que vous citez ont eu des parcours magni­fiques – autre­fois, on aurait dit « édifiants ». Je sais bien qu’Henri Jean­son, merveilleux dialo­guiste par ailleurs, a dit qu’« on ne fait pas de bonne litté­ra­ture avec de bons senti­ments »… Cela se discu­te­rait ; en tout cas, je pense – et j’ai souvent véri­fié – que les carac­tères nobles, élevés, altruistes donnaient lieu à de belles émis­sions de radio.

Je ne prétends pas four­nir à mes audi­teurs un modèle de vertu chaque matin ; mais, si je peux mettre une certaine propen­sion à racon­ter les histoires au service du bon, du vrai, bien – jusqu’à créer des voca­tions, qui sait ? –, cela me donne le senti­ment de mieux employer mon éner­gie.

Dans vos récits, vous montrez souvent combien la charité et la soli­da­rité font partie de notre culture.

La culture française est pétrie de chré­tienté en géné­ral et de charité en parti­cu­lier.

Il me semble que notre pays n’est jamais tant lui-même que lorsqu’il s’ins­crit dans la lignée de saint Martin, donnant à un pauvre la partie de son manteau qu’il avait payée de ses deniers. La notion de soli­da­rité est univer­selle, évidem­ment ; mais il me semble qu’elle revêt chez nous une impor­tance unique.

Pourquoi est-il impor­tant de trans­mettre aujour­d’hui ces figures et leurs valeurs ?

Pour être honnête avec vous, ce n’est pas ainsi que j’ap­pré­hen­de­rais les choses. Je ne mets pas Louise de Marillac au programme dans l’in­ten­tion de remplir un devoir ou d’ac­com­plir une mission. C’est plus spon­tané que cela… J’ai connais­sance de ce destin magni­fique, je me dis que cela peut donner lieu à une bonne émis­sion, je m’y consacre. Si, au passage, cela mobi­lise de saines pensées, tant mieux ; et si, de surcroît, cela peut susci­ter de belles actions, j’en suis comblé.

L’histoire, à mes yeux, ne relève pas intrinsèquement du passé.

Comment parve­nez-vous à racon­ter ces destins en alliant la rigueur histo­rique à une narra­tion vivante et acces­sible ?

L’his­toire est un inépui­sable réser­voir d’ex­pé­riences humaines. Certaines dispo­si­tions à la narra­tion, au récit incarné, me permettent simple­ment d’al­ler y puiser avec succès… Ce n’est pas sorcier, à vrai dire. Le seul secret que je puisse vous révé­ler à ce propos, c’est que l’his­toire, à mes yeux, ne relève pas intrin­sèque­ment du passé. Le simple fait de racon­ter un événe­ment le remet auto­ma­tique­ment au présent. Au fond, ma voca­tion consiste à extraire de temps révo­lus des exemples qui, lorsque je les évoque, rede­viennent aussi présents que s’ils se dérou­laient sous vos yeux.

Qu’ai­me­riez-vous que les audi­teurs retiennent de ces émis­sions consa­crées à la charité et à ses grands témoins ?

En revi­vant les choses « de l’in­té­rieur », j’ai­me­rais leur montrer que les défis les plus fous, les efforts les plus insur­mon­tables en appa­rence, procèdent souvent, au moment où ils sont vécus, du possible et de l’ac­ces­sible. C’est la pers­pec­tive qui donne le verti­ge… Évidem­ment, tout le monde ne connaî­tra pas le destin de Frédé­ric Ozanam ; mais chacun peut, à son niveau, à sa main, appor­ter à l’édi­fice sa pierre plus ou moins grosse.

Que souhai­te­riez-vous dire aux membres de la Société de Saint-Vincent-de-Paul qui prolongent aujour­d’hui cet héri­tage ?

J’ai­me­rais leur témoi­gner de ma confiance, de ma grati­tude et, plus encore peut-être, de l’ad­mi­ra­tion que suscite en moi leur enga­ge­ment de tous les jours. C’est une chose d’avoir un bon geste, de céder à un élan géné­reux – c’en est une autre de main­te­nir cet effort dans la durée, sur le long terme.

Pour cela, l’exemple des grandes figures est impor­tant, sans aucun doute ; mais je suppose qu’il l’est moins que l’ému­la­tion amicale et la compli­cité au quoti­dien.

Pour conclure, avez-vous une actua­lité ou un projet à venir que vous aime­riez parta­ger avec nos lecteurs ?

Parmi mes (trop) nombreuses acti­vi­tés, la direc­tion du maga­zine Histo­ria est pour moi une chance ines­pé­rée d’al­ler plus loin dans la connais­sance de bien des sujets. Cela mérite plus ample réflexion, mais, en répon­dant à vos ques­tions, je me disais qu’il y aurait un grand dossier passion­nant à établir sur l’his­toire, en France, de la charité et de l’en­traide. Étudions la ques­tion !

Propos recueillis par Jean-Charles Mayer, direc­teur de la commu­ni­ca­tion 
et de la géné­ro­sité

Podcast « Frédé­ric Ozanam, un apôtre de la charité » – par Franck Ferrand

Histo­rien et conteur passionné, Franck Ferrand a consa­cré une émis­sion entière à Frédé­ric Ozanam, fonda­teur de la Société de Saint-Vincent-de-Paul.

Avec son talent de narra­teur, il fait revivre ce jeune univer­si­taire vision­naire, animé par la foi et le désir profond de servir les pauvres.

Dans ce portrait, Franck Ferrand nous plonge au cœur du XIXᵉ siècle et nous rappelle combien l’en­ga­ge­ment, la soli­da­rité et la charité demeurent des valeurs fonda­trices de notre culture et de notre société.

Un récit inspi­rant à (ré)écou­ter : Les grands dossiers de l’his­toire (Radio Clas­sique) : Dispo­nible sur toutes les plate­formes d’écoute et sur le site de Radio Clas­sique.