« L’équipe nous apprend à ne pas baisser les bras »

Il pleut des cordes ce matin sur Fort-de-France. L’alerte jaune vigi­lance-fortes pluies concerne toute la Marti­nique ; dans le nord, certaines routes sont déjà coupées. C’est le déluge. Tout ça n’en­tame pas le moral ni le sourire de Valé­rie-Rose­lyne. Elle a parcouru 40 minutes en voiture depuis le Vauclin, sur la côte Atlan­tique, pour parti­ci­per à la réunion de rentrée du programme EMF (Émer­gence Matu­rité des Familles) orga­nisé par le Conseil dépar­te­men­tal de la Société de Saint-Vincent-de-Paul. Assise sur un long canapé rouge au rez-de-chaus­sée du local, elle écoute Chan­tal Rodride, l’as­sis­tante sociale. « C’est ma deuxième année, raconte Valé­rie-Rose­lyne. Je suis arri­vée via une asso­cia­tion d’in­ser­tion. Je savais que Saint-Vincent aide les dému­nis, on m’a proposé l’EMF, j’ai dit : « pourquoi pas ? ». » 

Elle est comme ça, prête à tenter de chan­ger de métier, à inté­grer un programme pour trou­ver un job et même – pourquoi pas ? – à répondre aux ques­tions des jour­na­listes de l’as­so­cia­tion, arri­vés de métro­pole. Avec son large sourire et ses yeux qui brillent, elle raconte sans peine une partie de sa vie. Une histoire qu’elle partage proba­ble­ment avec la quin­zaine des autres personnes présentes à ses côtés ce matin. Sans emploi, elle a du mal à boucler les fins de mois – « la vie est chère ici ! » –, elle vit avec sa fille, une ado souf­frant d’un handi­cap alors qu’elle-même n’est pas en très bonne santé. « J’ai d’abord été maître-nageur, puis j’ai ramassé des sargasses [algues toxiques] sur les plages, mais j’ai fait une pause pour m’oc­cu­per de ma fille. » Les minima sociaux sont… mini­mum juste­ment, alors l’aide maté­rielle de la Société de Saint-Vincent-de-Paul est appré­ciée. « On a des colis de 30 à 40 euros, avec de bons produits, ça aide vrai­ment. » Mais ce qui aide encore mieux ici, c’est l’ac­com­pa­gne­ment. Grâce au programme EMF, Valé­rie‑­Ro­se­lyne a suivi une forma­tion d’ai­de‑­soi­gnante. « À 50 ans, je n’au­rais jamais cru pouvoir y arri­ver ! Mais j’ai relevé le défi, il n’est pas trop tard pour avoir un diplôme. » La mère de famille se sent soute­nue pour amélio­rer son CV ou prépa­rer des entre­tiens d’em­bauche.

 « L’équipe nous apprend à ne pas bais­ser les bras, parce que ce n’est pas évident. Ce programme nous aide à ne pas rester enfer­més chez nous. » À reprendre confiance aussi. C’est le cas de sa voisine de canapé, Maëlle, qui vit à Fort-de-France. « Je suis extrê­me­ment timide, confie la jeune femme. Grâce à l’EMF, j’ap­prends à m’ou­vrir et parler aux autres. » L’étape d’après, Maëlle l’es­père très fort, ce sera de trou­ver un travail, dans une île où le taux de chômage frôle les 11 % contre 7 % en métro­pole. (Source Insee).

La Société de Saint-Vincent-de-Paul en Marti­nique

1852 Créa­tion de la première Confé­rence

20 Confé­rences (en 2024) répar­ties sur toute l’île

270 Béné­voles (en 2024) dont l’ac­tion est soute­nue par les Compa­gnons d’Oza­nam

 

Ateliers et sorties cultu­relles

En plus de l’ac­com­pa­gne­ment vers l’em­ploi, l’EMF propose des ateliers cuisine, couture, sport ou encore estime de soi. Ce matin, Chan­tal Rodride laisse la parole aux anima­trices qui détaillent les objec­tifs : apprendre à coudre, utili­ser les matières sans gaspiller… Valé­rie-Rose­lyne s’in­té­resse parti­cu­liè­re­ment aux sorties cultu­relles. « L’an dernier, nous sommes allés à Fort Dubuc, une ancienne plan­ta­tion, cela nous permet d’ap­prendre des choses sur l’his­toire de l’île, en parti­cu­lier l’es­cla­vage. »

La réunion se termine un peu plus tôt que prévu, pour que ceux qui habitent loin puissent rentrer sans encombre. Le temps de boire quelques verres de jus de goyave, « elles viennent de mon jardin ! », et de parta­ger des nouvelles. On programme déjà les prochains ateliers, et l’équipe de la Société de Saint-Vincent-de-Paul distri­bue un colis alimen­taire à chacune. Avant de la lais­ser filer vers sa voiture, on a demandé à Valé­rie-Rose­lyne de parta­ger son espé­rance pour Noël. Elle sourit : « Que tout le monde soit heureux. »   

Valé­rie-Anne Maitre,
rédac­trice en chef adjointe

À 50 ans, j'ai relevé le défi et obtenu un diplôme d'aide‑soignante

Valérie-Roselyne

Le dispo­si­tif EMF Émer­gence Matu­rité des Familles

Depuis 2021, le programme EMF (Émer­gence et matu­rité des Familles) accom­pagne des chômeurs de plus de 25 ans en diffi­culté finan­cière. Pendant deux ans, les béné­fi­ciaires  (et indi­rec­te­ment leurs familles) sont aidés lors d’ate­liers pratiques et cultu­rels afin de gagner en auto­no­mie et de se réin­sé­rer plus aisé­ment dans le monde du travail. Piloté par l’équipe de la Société de Saint-Vincent-de-Paul, le programme béné­fi­cie de subven­tions de la part de collec­ti­vi­tés locales et fonc­tionne en réseau avec d’autres asso­cia­tions.