Marty, dans l’encre et la lumière

Un jour de mai à Bordeaux, Marty, 40 ans, reçoit le baptême. Peu de mots, mais la présence forte de ses compa­gnons de route : les béné­voles de la Société de Saint-Vincent-de-Paul. Par Valé­rie-Anne Maitre, rédac­trice en chef.

Marty entre dans l’église. Chapeau noir à la main, il allonge le pas pour suivre le prêtre qui vient de l’ac­cueillir sur le parvis. Marty entre dans l’Église. Ce  jeudi de mai, à Bordeaux (Gironde), il va rece­voir le baptême. « Tu es pressé ?  » demande le père Gérard Faure. « Oui » répond le quadra­gé­naire pour qui cette célé­bra­tion marque l’abou­tis­se­ment d’un chemi­ne­ment entamé plusieurs mois aupa­ra­vant avec des béné­voles de la Société de Saint-Vincent-de-Paul. Aujour­d’hui, ils sont une ving­taine à l’ac­com­pa­gner dans le chœur de l’église Sainte-Eula­lie, en face de l’hô­pi­tal Saint-André. Au premier rang, émus et ravis, son parrain et sa marraine : Jacques des Cour­tils et Domi­nique Chupin-Roman.

« C’est un blessé de la vie »

Recueilli, Marty ferme les yeux pour s’im­pré­gner des paroles du père Gérard, vicaire de la paroisse et accom­pa­gna­teur de la Société de Saint-Vincent-de-Paul. Le prêtre commente l’Évan­gile de Zachée. « Je l’ai choisi car vous avez des points communs. Certes, tu n’es pas petit. Et… tu n’es pas riche ! Mais, comme Zachée, tu cherches à voir le Seigneur.  » À l’in­verse de Zachée en revanche, Marty n’a pas de maison pour le moment. Et sa grande taille le dispense de monter sur un syco­more pour mieux voir. Mais, sans doute plus que d’autres, le jeune homme cherche sa place dans ce monde.

Issu d’une famille maltrai­tante, il a enchaîné les galères et fait partie de ceux que la société met de côté, faute de rentrer dans le cadre. « Il a eu une enfance épou­van­table. Il n’est pas allé long­temps à l’école, raconte Jacques. C’est un grand blessé de la vie. » Marty est économe de mots, il préfère l’art pour s’ex­pri­mer. « Je suis artiste peintre, je m’ins­pire de ce que je vois autour de moi. » Pour coucher son histoire sur le papier, il a juste­ment demandé un coup de main à Jacques. « Il écrit mon livre, ça s’ap­pel­lera « L’en­fant sans vie ».  »

Marty, entouré de son parrain et sa marraine,  Jacques et Dominique.
Marty, entouré de son parrain et sa marraine, Jacques et Dominique.
Marty présente un portrait, réalisé  par un ami de l’atelier de dessin.
Marty présente un portrait, réalisé par un ami de l’atelier de dessin.

Servir plutôt que d’être servi

Avec des tatouages sur les mains, les bras, le cou, des pier­cings et une voix qui porte, Marty ne passe pas inaperçu. « Marty n’est pas la mascotte, nuance Athé­naïs, mais tout le monde le connaît ici. Lors des repas parta­gés, il ne s’as­soit pas : il préfère être au service. » En 2017, il rencontre les membres d’un Café Sourire, par l’in­ter­mé­diaire de Jean-Maxime, béné­vole dans une équipe jeunes. « Je me souviens qu’il est resté sur le seuil, témoigne une autre béné­vole. Quel chemin parcouru depuis cette première rencontre !  » Tous connaissent  l’ago­ra­pho­bie du jeune homme et s’as­surent toujours qu’il n’est pas trop perdu au milieu d’un groupe.

Ce jeudi, Marty est à l’aise, il fran­chit sans peur la porte de la salle parois­siale où ses amis ont préparé un buffet en son honneur. Sous le portrait de saint Vincent de Paul, il salue les béné­voles et les accueillis venus parta­ger sa joie. « Mesdames, Messieurs ! Merci mille fois pour tout ! » s’ex­clame-t-il en ouvrant ses cadeaux. Au milieu des icônes et des cartes de féli­ci­ta­tions : un séjour à Lourdes, son quatrième. « Je suis tombé en amour de Marie, je lui ai promis de reve­nir avec mon nouveau tatouage. » Remon­tant sa manche, il fait admi­rer la Vierge dessi­née sur son avant-bras gauche.

Il tombe, il revient, et il sait qu’on ne le juge jamais.

Sur le parvis de l’église, Marty est accueilli  par le père Gérard Faure.
Sur le parvis de l’église, Marty est accueilli par le père Gérard Faure.

Une équipe pour l’ac­com­pa­gner

« J’étais à Lourdes pour les Rencontres natio­nales en octobre 2024, raconte-t-il, mais aussi une autre fois, comme béné­vole à la Cité Saint-Pierre. » Marty vit sa foi avec simpli­cité et ferveur, s’ap­puyant sur les béné­voles pour comprendre et obte­nir les réponses à ses ques­tions, en parti­cu­lier lorsqu’il est à la messe le lundi soir avec Domi­nique. « Ce n’est pas toujours évident de parler de sa foi avec les personnes accom­pa­gnées, relève Hugues Four­nier. Marty m’a parlé de Lourdes, il s’est confié. Aujour­d’hui, je suis ému de le voir entrer dans la famille des chré­tiens !  »

Pour Domi­nique aussi, ce baptême est un grand jour. « Je le connais depuis bien­tôt dix ans. Il ne faut pas s’ar­rê­ter à l’ap­pa­rence. C’est lui qui nous évan­gé­lise.  » La vice-prési­dente du Conseil dépar­te­men­tal de Gironde rappelle aussi que l’ac­com­pa­gne­ment du jeune homme « est un vrai travail d’équipe ». Ils sont plusieurs à se mobi­li­ser lorsque Marty appelle. « On l’a aidé à meubler son appar­te­ment. Parfois il s’en va, il revient… Il tombe mais il se relève. Et il sait qu’on ne le juge jamais. » La marraine sourit et ajoute : « Quant à moi, je ne fais pas grand-chose, je donne de mon temps. » Elle désigne le ciel du doigt « Il fait le reste ! »