Thierry : Partir et revenir pas comme avant…

« Aujourd’hui, ça va beaucoup mieux. J’ai des hauts et des bas question santé mais la vraie misère, ce n’est pas cela, c’est la solitude. Il y a dix ans, j’ai touché le fond quand j’ai perdu ma fille dans un accident de voiture, puis mes parents. Je n’ai pas su réagir, je me suis laissé aspirer par le bas, n’ayant pas le courage de me suicider mais voulant partir. Je faisais cent kilos et je suis descendu à trente car je ne me nourrissais plus. »
Thierry poursuit son récit : « La vie ensuite m’a montré que la phrase que m’avait dite le maire d’un quartier favorisé de Paris, ami de ma famille, est malheureusement vraie : « Quand tu es dans le caniveau, on te respecte. Monte sur le trottoir, tu inquiètes. Et mets-toi debout, tu es bon à descendre. » C’est la pure vérité. Je le vois par rapport à mon propre chemin. Les personnes ont eu de la compassion pour moi quand j’étais dans le gouffre. Mais, dès que j’ai commencé à relever la tête, beaucoup moins. Ce n’est pas que les gens veulent votre mal mais ils mettent une barrière entre eux et vous. Et ça fait mal. » Alors, Thierry s’interroge: « Elle est là la vraie misère : être tout seul. Alors vivre pour quoi faire ? »
J’attendais la mort
Tout était-il perdu? Thierry se souvient. Au printemps dernier, « j’attendais la mort. Mon seul lien avec la société était de venir à la paroisse près de chez moi où le curé a beaucoup de bienveillance envers moi et me laisse faire la manche à la sortie des messes. Un jour, des bénévoles de la Société de Saint-Vincent-de-Paul m’ont proposé de partir avec eux en Terre sainte. Cela m’a fait énormément de bien car cela a mis en lumière 'la sagesse du petit’ ».
L’homme précise sa pensée : « Je viens d’un milieu très favorisé avec des conventions alors que le petit, sa foi est vraie, elle vient du cœur. Le pape François met à l’honneur cela quand il demande que soient mis au premier rang de la messe non les princes de l’église, mais les plus pauvres. C’est un geste immense de sa part. Dans ce pèlerinage à Jérusalem, j’ai vu cela. Il était organisé pour que personne ne se sente exclu, manque une visite à cause de ce qu’il est. À Bethléem, les bénévoles ont été attentifs à nous et ont commandé des taxis particuliers parce que le car avait son arrêt en bas d’une montée en plein soleil que beaucoup d’entre nous ne se voyaient pas faire, vu nos difficultés à marcher. Cela peut paraître des choses insignifiantes mais c’est magnifique ! »
Ça me rentre directement dans le cœur
Depuis son retour, Thierry a changé. Il veut « aider l’autre à ma mesure. J’ai encore une santé fragile mais, si j’attends que tout soit parfait, je ne ferai jamais rien. Je voudrais visiter des personnes seules. Ma foi a aussi changé. Je perçois les évangiles différemment. Je comprends vraiment les choses dès que j’entends lire les textes de la Bible comme si la lumière s’allumait ; ça me rentre directement dans le cœur. Et c’est fou à dire mais je n’attends plus l’homélie du prêtre pour comprendre. J’aime les sermons qui secouent le cocotier pour dire que l’Eglise est la maison du pauvre, que le plus petit est chez lui. »
Pour Thierry, vient maintenant le temps des questions : « Si Dieu passait me voir aujourd’hui, qu’est-ce que je lui dirais ? S’Il cherchait à recruter, je partirais bien à sa suite comme un disciple pour essayer de transmettre ceci : 'Jamais Il ne vous laisse tomber.' Je vais oser un peu d’humour : Il est peut-être long à la détente (rires), on n’a pas la même perception du temps que Lui mais, à un moment donné, Il est là et nous dit : 'Debout !' Il te prend par le col – car parfois nous prendre par la main ne suffit plus – et Il nous remonte ! Si j’avais une baguette magique, je ferais en sorte que les gens soient plus tolérants. Qu’il n’y ait pas de haine du riche ou de haine du pauvre. Et que ceux qui ne manquent de rien nous aident, mais en vivant des choses avec nous pour recevoir ce que nous avons à donner : notre temps, nos talents.
Ne faire qu’aider le pauvre, c’est le maintenir en sa situation de pauvreté alors qu’il nous faut vivre ensemble cette phrase du Christ : 'Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés’. »
Propos recueillis par Émilie Chanson
LA DÉMARCHE FRATERNITÉ : NOTRE CHARITÉ DOIT ÉVOLUER
Nous devons nous laisser enseigner par les expériences humaines et spirituelles de ceux que nous rencontrons. Croyons-nous vraiment que nous avons besoin d’eux pour comprendre le Christ crucifié ou ressuscité ? Notre communion véritable avec eux est en une relation plus réciproque et d’égal à égal.