De Paris à Nîmes, naissance d’un réseau de charité
Léonce Curnier (1813-1894), fils d’un négociant en soieries à Nîmes, étudie le commerce à Lyon, autre ville de soie. C'est là qu'il noue avec Frédéric Ozanam une amitié profonde qui sera à l’origine de la première Conférence en dehors de Paris (1835).

Comme Frédéric Ozanam, Léonce Curnier fréquentait un cours de dessin où les deux se retrouvaient côte à côte. « Nous étions entourés de pauvres jeunes gens qui avaient tous subi, plus ou moins, la funeste influence des passions antireligieuses du moment, et qui se délectaient à tourner en dérision les choses saintes. » 1 Les deux jeunes répondirent par un silence désapprobateur, jusqu’au jour où, les choses allant trop loin, ils élevèrent la voix « pour venger notre foi outragée ». Léonce Curnier : « Je fus frappé de la fermeté avec laquelle il confessait sa foi, et ce qui me frappa non moins vivement, c’est qu’il ne sortit pas de sa bouche un seul mot blessant. » Ce fut l’origine d’une amitié durable. Le Nîmois fut reçu souvent chez Ozanam, qui lui fit découvrir les paysages du Lyonnais qu’il aimait. « Nous faisions souvent de délicieuses promenades sur ces bords enchanteurs de la Saône… »
Léonce Curnier devint pour Ozanam un confident pour des questions personnelles, comme le mariage, quand celui-là lui annonce le sien 2.
Fonder à Nîmes
Léonce Curnier fut très vite séduit lorsque Frédéric lui fit part des débuts de la première Conférence de charité. En juin 1834, il vint à Paris. Le 10, Ozanam l’amena avec lui à une réunion. Le 2 novembre, Ozanam écrivait à Pessonneaux : « M. Curnier a fondé à Nîmes une petite société charitable sur le modèle de la nôtre. La lettre qu’il m’écrit est toute brûlante de zèle : tâchons de ne pas le refroidir. » Fin novembre, la Conférence était créée. Elle comptait sept membres sous la présidence « d’un vénérable ecclésiastique » 3.
Les fondateurs parisiens se posèrent alors la question de l’extension à de nouveaux membres. Ils étaient divisés, Ozanam étant partisan de l’ouverture.
Dans une lettre du 4 novembre, il précisait l’une des raisons qui ont motivé la création à Paris : l’accueil d’étudiants catholiques de passage pour leurs études, chose qui ne se retrouvait pas à Nîmes : « Pour vous, vous me semblez appelés à une mission plus généreuse… Vous agirez directement pour les pauvres… Votre foi et votre vertu n’ont pas besoin de l’association pour se maintenir mais seulement pour se développer… » Ozanam encouragea son ami et le félicita.

Le cahier
Léonce Curnier demanda à Ozanam la communication d’un rapport dont il lui avait parlé, sur lequel était consignée la première réunion. Ozanam sollicita Delanoue, qui le renvoya vers M. Bailly avant de conclure qu’il avait été perdu. Ce cahier, retrouvé en 1955, permit de fixer la date de la première réunion et d’en connaître les participants.
Écrire sur Ozanam
Léonce Curnier voua à son ami une grande admiration. Vers la fin de sa vie, il écrivit un ouvrage sur « La jeunesse de Frédéric Ozanam », qui reste une référence sur le plan bibliographique. Il dédia ce livre à ses petits-enfants : « J’ai tenu à leur présenter, d’une manière durable, comme un modèle qu’ils devraient s’efforcer d’imiter, l’édifiante jeunesse de Frédéric Ozanam. »
Ce livre raconte avec beaucoup de détails la vie de Frédéric, de son enfance jusqu’à son mariage et au passage à Nîmes du jeune couple, achevant son voyage de noces. L’auteur raconte l’extase d’Ozanam devant la richesse archéologique et historique de la ville. Il y fait aussi état du plaisir de sa rencontre avec le poète-boulanger Reboul, homme de talent qui, après la mort précoce de son père, exerça un métier manuel, dont Ozanam avait apprécié les œuvres envoyées par Curnier.
« M. et Mme Ozanam terminèrent ainsi parmi nous leur voyage de noces. Ils allèrent, en nous quittant, s’installer définitivement à Paris. La jeunesse de Frédéric était finie ; une autre ère commençait pour lui. À partir de ce moment, je ne le revis qu’à de rares intervalles ; mais je ne cessais de le suivre avec le plus affectueux intérêt au milieu de ses succès littéraires et dans les diverses phases de sa noble existence. »
Christian Dubié, président du Conseil départemental du Cher
Léonce Curnier « La jeunesse de Frédéric Ozanam »
Lettre du 29 octobre 1835
À Emmanuel Bailly lettre n° 79

Du 10 au 12 octobre 2025
190e anniversaire de la première Conférence
L’équipe du Conseil départemental du Gard (30) célèbre cette année le 190e anniversaire de la première Conférence créée après celle de Paris. Pour l’occasion, plusieurs animations (conférences, expositions…) sont proposées du 10 au 12 octobre. Exceptionnellement, les membres du Conseil d’administration se réuniront à Nîmes à cette période. Dimanche 12 octobre, la messe sera retransmise en direct sur France télévision dans l’émission Jour du Seigneur.
