Une matinée au salon de coiffure à Fréjus
Musique douce, intimité. Le salon de coiffure solidaire – au-dessus du local de la Société de Saint-Vincent-de-Paul de Fréjus (83) – invite à tout oublier. Cela tombe bien, ici, chacun cherche une parenthèse qui l’éloigne de sa dure réalité : l’isolement, la précarité… Depuis un an, le mercredi, chaque bénéficiaire alimentaire peut profiter d’une coupe pour 5 €.
Par Alix de La Roncière, pigiste
8H45
Tout est calme, seuls ses bracelets tintent doucement. « Aujourd’hui, j’ai quatre rendez-vous », annonce Violette, la coiffeuse bénévole. Ses ciseaux glissent dans les cheveux de Jean-Michel qui a connu ce qu’il appelle un « accident de la vie », sans en dire davantage. Ils discutent de l’actualité du moment à Fréjus ; elle taille un peu ses sourcils : « L’esthétique, ça fait partie de la finition. » Jean-Michel regarde sa coupe et sourit : « Chaque fois je suis content, y’a rien à dire. »
9H30
Violette : « J’ai toujours fait du bénévolat. J’aime le contact avec les gens, ce que je donne et ce que ça m’apporte. » Elle a grandi « dans la coiffure », dans le salon de ses grands-parents. « C’est saint Vincent de Paul qui m’a choisie : quand j’étais petite, j’allais au patronage, près de Paris. » Elle s’interrompt. Une jeune fille nommée Louisana – 14 ans – apparaît, souriante : « Je suis venue avec une photo comme modèle. »
9H45
Violette regarde le cliché : « Je vais vous faire une petite frange effilée. » La coiffeuse s’y connaît. Trente ans de métier. La maman de Louisana – robe, lunettes rondes – s’installe à côté, raconte s’être retrouvée brutalement au chômage. Elle a dû recourir à l’aide alimentaire de la SSVP : « Ici, on se sent comme en famille, on ne vous regarde pas d’une façon méprisante. Ces gens-là, faut leur rendre hommage. » La bénévole laque, ajuste la coiffure. « Tu me trouves comment, maman ? » interroge Louisana en fixant le miroir. — « Ah, super bien ! » Grand sourire.
10H30
Louisana laisse sa place à Rabia. Violette attrape un shampoing, ouvre la douchette. La femme évoque ses difficultés financières, son cancer du sein, la perte de ses cheveux. Violette écoute, livre aussi ses problèmes, interroge : « Que voulez-vous faire ? » — « Juste égaliser. » La coiffeuse peine à défriser les cheveux crépus. Soudain, Laurent Petit (responsable de l’antenne SSVP à Fréjus) passe une tête dans le salon : « Madame, voulez-vous un café ? » Rabia acquiesce. « Ils sont tous sympas ici. Heureusement parce que si vous êtes dépressif… »
11H30
Voilà maintenant Mathis et sa maman Valérie. L’enfant de 10 ans ne dit rien ; sa mère se livre : employée à La Poste, elle a été arrêtée pour anorexie. Elle doit reprendre son travail alors qu’elle se trouve « encore rachitique ». Violette compatit. « C’est dur », lâche Valérie en essuyant ses larmes. Le bruit du séchoir couvre ses paroles. La coiffeuse fait maintenant tourner un miroir autour de Mathis tout sourire. La maman admire, prend une photo. Tous deux repartent plus légers. Violette : « Un salon de coiffure, c’est un endroit où on se détend. C’est ça qui me plaît. »