Collecte. Les associations repensent la générosité
Entre proximité et efficacité, entre terrain et réseaux sociaux, la collecte reste au cœur de la démarche de générosité. Dans un contexte sensible où les dons des particuliers peinent à répondre aux besoins des plus démunis, les associations doivent adapter leurs méthodes de collecte pour survivre.
Par Clémence Damerval, pigiste
Inflation, crises multiples, baisse du pouvoir d’achat… La collecte de dons doit se réinventer face à un défi majeur : si beaucoup d’associations vivent de la générosité du public, comment solliciter des dons dans une période où chacun surveille ses dépenses ?
La force du local
La corbeille devant l’église, la récolte de vêtements, les dons alimentaires à la sortie des supermarchés, les événements solidaires… La collecte reste historiquement une action de terrain. Les Conférences (équipes locales de bénévoles) de la Société de Saint-Vincent-de-Paul agissent partout en France au plus près des populations locales. « Elles œuvrent de manière autonome, rappelle Christophe Droulers, directeur de la collecte pour le Conseil national de France (CNF). Les équipes organisent leurs collectes, en s’adaptant à leur territoire. Elles peuvent aussi participer aux campagnes papier proposées au niveau national et qui leur apportent une collecte complémentaire non négligeable. » Ainsi, une diversification des collectes s’opère, notamment pour capter plusieurs types de donateurs.
Adapter la collecte aux profils des donateurs
La moyenne d’âge des donateurs de la Société de Saint-Vincent-de-Paul est de 79 ans et il s’agit plutôt de retraités aisés des grandes villes. Pourtant, de plus en plus de jeunes donnent. Plus volatils, ils privilégient l’instantanéité, en s’engageant pour des causes urgentes (catastrophes naturelles). Sylvie Bretones, déléguée générale de la Fondation Notre-Dame (diocèse de Paris), l’a observé : « Si les plus âgés sont sensibles à la tradition du don comme valeur transmise par leurs parents, les jeunes sont plus intéressés par la nature du projet et son efficacité. » La volonté de savoir où va son argent est de plus en plus répandue chez les donateurs. Pour y répondre, la Conférence de Morschwiller-le-Bas (Haut-Rhin) envoie régulièrement un courrier d’information à ses donateurs. « Il s’agit de leur montrer que, sans leur générosité, les actions ne pourraient être menées », explique Pierre-Yves Schittly, président de la Conférence.
Une mutation des profils qui accompagne l’essor des technologies numériques, qui ont rebattu les cartes. « On dispose de deux voies de communication qui se complètent : le papier et le digital, via lesquels on s’adresse à nos publics », précise Christophe Droulers.
Varier les moyens de collecter
L’idée n’est pas de mettre dos à dos méthodes traditionnelles et innovantes. « On ne va pas réinventer ce qui fonctionne, confirme Sylvie Bretones. À la Fondation Notre-Dame, notre communication vers les donateurs reste identique, fidèle à notre identité, même si les messages divergent selon le public. »
Aujourd’hui, la collecte s’opère partout et prend de multiples formes : dans la rue, par courrier ou mail avec envoi de chèque ou paiement en ligne, lors d’événements solidaires, grâce aux dons via les libéralités et les assurances-vie… L’évolution des usages façonne les méthodes de collecte. Quand on a constaté que les gens avaient moins de monnaie dans leur poche, le don par SMS ou via QR Code s’est démocratisé. Quand Internet a explosé, le don en ligne s’est imposé, avec la création de plateformes dédiées. Avec l’apparition des réseaux sociaux, les événements caritatifs ont pris une nouvelle dimension, à l’instar de ZEvent, marathon-live solidaire de trois jours durant lequel des streameurs (influenceurs produisant du contenu sur le web) mobilisent leur communauté de fans autour d’une cause ou d’une association. Plus de 16 millions d’euros ont été collectés en 2025, répartis entre cinq associations. Des actions de grande ampleur qui touchent une nouvelle génération de donateurs.
Sur le terrain pourtant, les événements solidaires fonctionnent toujours. Le 11 octobre dernier à Mulhouse (Haut-Rhin), un concert de l’Orphéon s’est tenu au profit des Conférences de Saint-Vincent-de-Paul de la région. Au-delà de la collecte financière, « cela a aussi permis à une quarantaine de personnes fragiles d’assister à un événement culturel », explique Hubert Vis, l’un des bénévoles. La musique adoucit aussi les cœurs à la Conférence de Saint-Germain-en-Laye (Yvelines), à l’origine d’un concert gospel au printemps. Son président, Jacques Bouchery, se souvient de « chants qui célèbrent la vie, l’espoir et la fraternité » et qui ont permis de recevoir 3 000 euros. À Noël, la collecte de cadeaux pour les familles dans le besoin et leurs enfants reste un incontournable, comme celle de la Conférence de Juvisy-sur-Orge (Essonne), présidée par Jean-Bernard Imbert.
Le don, dénominateur commun de la collecte
Les associations ont tout intérêt à inclure les nouvelles technologies dans leurs méthodes de collecte. Internet et les réseaux sociaux permettent d’avoir plus d’impact, La blockchain commence à être utilisée pour tracer les dons, l’IA participe à un meilleur ciblage des futurs donateurs… Des modèles hybrides vont s’imposer, en online comme en offline.
L’action de donner ne se déshumanise par pour autant. Élément central de la charité chrétienne, le don ne se limite pas à l’aspect monétaire mais à ce que l’on offre, fait de son temps ou de ses talents. Lors du lancement de la campagne du denier de l’Église, Mgr Denis Jachiet, évêque du diocèse de Belfort-Montbéliard et président de la Commission dialogue, bien commun et amitié sociale à la Conférence des évêques de France, interpellait les donateurs : « Faire un don en argent à l’église, n’est-ce pas choisir d’aimer en acte ? » L’implication des bénévoles et la générosité des donateurs ne seront pas remplacées mais sublimées par les évolutions technologiques. La collecte, virtuelle ou physique, restera l’incarnation de l’engagement et de la générosité de chacun.
Les jeunes donateurs sont plus intéressés par la nature et l'efficacité du projet.