La conduite de projets, un défi vincentien

La Société de Saint-Vincent-de-Paul est née d’un projet : celui de Frédéric Ozanam, désireux de se mettre au service des pauvres, sous le patronage de saint Vincent de Paul, apôtre de la charité. Depuis 1833, des milliers de bénévoles témoignent de leur foi de manière agissante partout où la détresse s’exprime. Par Meghann Marsotto, pigiste.

café sourire Auxerre

Les béné­voles, créa­teurs de projets

L’ADN de la Société de Saint-Vincent-de-Paul a toujours été de répondre sur-mesure aux diffi­cul­tés locales, en véri­table « couteau suisse » du secteur de la soli­da­rité. Chaque Confé­rence a ses enjeux, selon qu’elle est instal­lée en ville ou à la campagne, selon qu’elle est davan­tage en contact avec des personnes âgées, dépla­cées, précai­res… ou tout à la fois. À l’écoute des signes des temps, les béné­voles, sur leur terri­toire, créent des actions origi­nales, inno­vantes, éclai­rées et inspi­rantes.

Au départ d’un projet, on retrouve fréquem­ment trois éléments-clés : le constat d’un besoin, l’en­vie d’une équipe de répondre et l’op­por­tu­nité de nouveaux moyens (un local, des coopé­ra­tions…) qui, souvent, ont un rôle déclen­cheur. À Angers (Maine-et-Loire) dans les années 1980, il manquait par exemple des possi­bi­li­tés d’ac­cueil des familles des patients hospi­ta­li­sés qui, parfois, venaient de loin et s’épui­saient lors d’al­lers-retours inces­sants. Cela n’avait pas échappé à l’at­ten­tion des Filles de la Charité. Elles possé­daient une maison, mais qui était très déla­brée. Grâce à un legs et à deux subven­tions du Conseil géné­ral, la Société de Saint-Vincent-de-Paul a pu l’ache­ter et la réno­ver. Désor­mais, on y trouve le Logis Ozanam avec ses 15 chambres pour une à deux personnes, 23 lits au total et tout le confort néces­saire, à seule­ment dix minutes à pied du CHU.  

   
 C’est aux sœurs d’une congré­ga­tion fran­cis­caine que l’Hô­tel social de Nantes (Loire-Atlan­tique), le seul possédé par l’as­so­cia­tion, a été pour sa part racheté en 1995. Les reli­gieuses en avaient fait des loge­ments à dispo­si­tion de familles dans le besoin. La forte orien­ta­tion sociale a pu être préser­vée puisqu’on y trouve désor­mais 25 chambres permet­tant d’ac­cueillir 28 personnes, femmes et hommes de tous profils, orien­tés, la plupart du temps, par les services sociaux.

 

Du côté de Guérande (Loire-Atlan­tique), le manque de trans­ports en commun rend très diffi­cile l’ac­cès à l’em­ploi des personnes sans véhi­cules. C’est à cette diffi­culté que s’at­tèle Marc Deflas­sieux, qui, avec son initia­tive « Un véhi­cule, un emploi  » ados­sée à la Société de Saint-Vincent-de-Paul, offre plus que quatre roues : la mobi­lité. Les voitures de seconde main émanent de dons – en contre­par­tie d’un avan­tage fiscal –, d’en­tre­prises ou de parti­cu­liers qui n’en n’ont plus l’uti­lité.

À Auxerre (Yonne), un nouveau Café Sourire vient d’être créé par une équipe de tren­te­naires dési­reux d’ap­por­ter aux personnes isolées l’op­por­tu­nité de tisser des liens sociaux, même le week-end. Tous les same­dis, de nombreux visi­teurs vont et viennent. Ensemble ils prennent le café, discutent, parti­cipent à un jeu de société, toutes géné­ra­tions confon­dues. Dès l’ap­pa­ri­tion des beaux jours et grâce au jardin, des acti­vi­tés en plein-air pour­raient encore atti­rer davan­tage de monde, notam­ment des familles.

UN PROJET EN ENFANTE UN AUTRE

Souvent, la réus­site d’un projet galva­nise l’équipe au point de créer un effet d’en­traî­ne­ment. Les projets exis­tants sont ampli­fiés ou dupliqués (lire page 17) et de nouvelles initia­tives voient le jour grâce à la confiance gagnée lors d’un premier succès.      
L’as­so­cia­tion Stéphane-Bouillon, instal­lée à Auray (Morbi­han), illustre ce phéno­mène : la salle parois­siale, géné­reu­se­ment mise à sa dispo­si­tion depuis plus de 20 ans pour propo­ser un accueil café aux gens de la rue, comporte ses limites. Le projet s’ap­prête donc à chan­ger de dimen­sion… et de local ! Un bail à construc­tion a été signé par la Société de Saint-Vincent-de-Paul avec l’as­so­cia­tion diocé­saine. Un tout nouveau bâti­ment va sortir de terre, mieux équipé pour les publics qui le fréquentent (avec une consigne, un chenil, des douches…) et pourra en contre­par­tie être exploité libre­ment pour les 30 prochaines années. La Croix-Rouge pour­rait rejoindre l’équipe pour assu­rer une perma­nence sociale et sani­taire. La nouvelle vitrine que le lieu va consti­tuer permet déjà le recru­te­ment de nouveaux béné­voles.      
À Lannion (Côtes-d’Ar­mor), c’est encore l’ac­qui­si­tion d’un nouveau bâti­ment – une grande maison – qui a permis de doubler le nombre de nuitées d’ac­cueil du foyer d’hé­ber­ge­ment d’ur­gence. On y croise des jeunes femmes ukrai­niennes, des SDF, des seniors débous­so­lés à la suite, par exemple, d’un décès, ou encore des jeunes qui sont sortis des rails et tentent de se recons­truire ou un ancien soldat géor­gien, handi­capé par la guerre.

Dans la Confé­rence Sainte-Barbe-Soleil, à Saint-Étienne (Loire), un jardin pota­ger a été initié après la crise sani­taire sur un terrain en friche à côté de la paroisse. Les béné­fi­ciaires passent devant quand ils récu­pèrent l’aide alimen­taire ou se rendent à l’aide aux devoirs. Un maxi­mum de fruits et légumes sont produits pour leur être ensuite redis­tri­bués. La Confé­rence aime­rait désor­mais obte­nir davan­tage de parcelles pour déve­lop­per cette nouvelle branche de ses acti­vi­tés.

 

DE L’AR­GENT… MAIS SURTOUT DE LA CONVIC­TION !

La Société de Saint-Vincent-de-Paul, à diffé­rents niveaux, finance les projets de ses béné­voles, mais d’autres moyens peuvent égale­ment être déployés pour recueillir davan­tage de fonds quand c’est néces­saire.      
Si le finan­ce­ment est un aspect déter­mi­nant de la réus­site d’un projet, il n’est pas la seule ressource à mobi­li­ser. La créa­ti­vité permet d’ima­gi­ner de nouvelles conver­gences, des trans­ver­sa­li­tés, des coopé­ra­tions avec d’autres acteurs (asso­cia­tions, services publics, travailleurs sociaux, entre­prises, établis­se­ments scolaires, fonda­tions…) parmi lesquels certains offri­ront une aide en nature maté­rielle (faci­li­tée, depuis 2020, par la Loi anti-gaspillage pour une écono­mie circu­laire [AGEC]), voire imma­té­rielle (ressources humaines, conseil…). Il faut, pour convaincre, dispo­ser d’un solide sens du réseau, tisser des liens de confiance et parler de son projet au maxi­mum de personnes, avec un enthou­siasme authen­tique et commu­ni­ca­tif.


À titre d’exemple, pour son salon de coif­fure et d’es­thé­tique, l’équipe de Saint-Raphaël (Var) a noué un parte­na­riat avec Leroy-Merlin. L’en­tre­prise a offert les maté­riaux néces­saires à l’amé­na­ge­ment du salon et l’ADA­PEI – qui insère profes­sion­nel­le­ment des personnes handi­ca­pées – a réalisé les travaux. Un parte­na­riat a égale­ment été noué avec une école de coif­fure et une esthé­ti­cienne de l’ADA­PEI. Depuis, les dames béné­fi­ciaires peuvent profi­ter d’un moment de cocoo­ning pour la somme symbo­lique de cinq euros. Ce qu’elles préfèrent : l’écoute, le café-vien­noi­se­ries et l’am­biance zen.      
L’avan­tage majeur de la conduite de projets est aussi de corres­pondre aux formes d’en­ga­ge­ment de plus jeunes béné­voles. De plus en plus, les mobi­li­tés étudiantes ou profes­sion­nelles rendent les impli­ca­tions furtives. Plutôt que de le déplo­rer, on peut se réjouir que les jeunes sèment au gré du vent qui les déplace le grain de réus­sites à venir, inspi­rées d’ini­tia­tives vécues ailleurs, qu’ils essaiment.

 

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