Pauline Hery : « Les réseaux sociaux ont ouvert une nouvelle voie dans la collecte »
Pauline Hery est chargée de plaidoyer chez France générosités, syndicat des associations, fondations et fonds de dotation qui font appel aux générosités. La mission de ce syndicat ? Défendre le secteur auprès des pouvoirs publics, accompagner ses membres et développer les générosités en France.
Comment se porte le don en France actuellement ?
Pauline Hery : Les études que nous menons à France générosités le confirment : les Français restent profondément généreux, malgré un contexte économique et social tendu. En 2022, les dons des particuliers et des entreprises ont atteint 9,2 milliards d’euros, soit une hausse de 8 % par rapport à 2019*. Mais, face à la multiplication des besoins sociaux et à la baisse sans précédent des financements publics, les organisations d’intérêt général font de plus en plus appel aux générosités.
Or, la progression des dons ne suffit plus à répondre aux besoins de financement du secteur. En 2024, la collecte (hors dons d’urgence) n’a augmenté que de 1,9 %, une évolution inférieure à l’inflation (2 %). Les incertitudes politiques, économiques et géopolitiques de ces derniers mois pèsent sur le comportement des donateurs, quel que soit leur profil.
Quel est le profil des donateurs et comment évolue-t-il ?
P. H. : Le donateur type en France est plutôt aisé et d’un âge médian de 62 ans, souvent retraité. La génération d’actifs (35 et 54 ans)donne quant à elle bien moins que les aînés. Les moins de 35 ans s’engagent davantage en faveur de causes d’intérêt général, par le don ou le bénévolat.
Sous l’effet de la baisse du pouvoir d’achat, les « petits » dons (moins de 150 euros) reculent : ils ne représentent plus que 39 % de la collecte en 2024, contre 69 % en 2005.
Les motivations à donner reposent sur plusieurs critères : l’efficacité d’action de l’organisation, ses valeurs, mais également sa réputation et sa transparence financière. Les donateurs veulent savoir où vont leurs dons, et comment ils sont utilisés. La confiance et la transparence sont au cœur des relations entre associations et donateurs.
Les causes considérées comme prioritaires par les Français restent l’aide sociale à l’enfance, la protection animale, la recherche médicale et le soutien aux personnes âgées. Chez les jeunes, la protection de l’environnement s’impose également comme une priorité.
Comment les façons de collecter évoluent-elles en France aujourd’hui ?
P. H. : Les méthodes traditionnelles – collecte en face-à-face, courrier ou téléphone – restent très efficaces, mais, grâce à la révolution numérique, les associations ont pu varier leurs stratégies de collecte.
Par l’e-mailing, Internet ou les réseaux sociaux, les associations portent leurs messages et leurs appels aux dons plus largement et plus rapidement. Les chiffres le confirment : si seulement 20 % des dons ponctuels s’effectuaient via le digital en 2019, aujourd’hui 33 % de la collecte est concernée, et cela ne fait qu’augmenter.
Le digital est particulièrement efficace en situation d’urgence : lors du cyclone Chido à Mayotte en décembre 2024, 72 % des dons ont été effectués en ligne. Les dons d’urgence représentent environ 5 % de la collecte annuelle, illustrant la capacité des Français à se mobiliser face aux crises humanitaires et environnementales.
En parlant d’impact, on pense aux gros événements organisés via les réseaux sociaux qui génèrent des récoltes de dons importantes…
P. H. : Les réseaux sociaux ont ouvert une nouvelle voie dans la collecte de dons. Si les concerts et événements caritatifs existent toujours, des actions d’un nouveau genre, comme le ZEvent – créé en 2016 par des streameurs sur la plateforme Twitch –, bouleversent le paysage des générosités. Ce marathon caritatif en ligne a permis de collecter, en 2025, plus de 16 millions d’euros de dons. Ce type d’événement touche de nouveaux donateurs, souvent plus jeunes : pour nombre d’entre eux, il s’agit de leur premier don. Ces nouvelles formes de collecte sont une formidable opportunité pour les associations, qui ont plus que jamais besoin de la générosité du public pour financer leurs missions sociales.
Sources chiffrées : le Panorama national des Générosités, 2024 / le Baromètre de
la générosité 2024 – France générosités