Charles Forbes de Montalembert, noble ami d'Ozanam

Charles de Montalembert (1810-1870), ami de Frédéric Ozanam, est aussi l’un des premiers membres de la Société de Saint-Vincent-de-Paul. Inspirateur de la loi Falloux, il tente de concilier catholicisme et liberté au XIXe siècle.

Pourquoi parler de Charles de Monta­lem­bert dans ces pages ?

Il fut membre de la première Confé­rence dès 1835 mais il fut avant tout précur­seur : du renou­veau catho­lique au XIXe siècle et, comme Frédé­ric Ozanam, de la pensée sociale de l’Église.

Charles de Monta­lem­bert est né à Londres. Sa mère était écos­saise et son deuxième prénom est le nom de son grand-père mater­nel, qui s’oc­cupa beau­coup de lui dans ses premières années. Il en gardera
une certaine admi­ra­tion pour le système poli­tique britan­nique. De retour en France pour faire ses études (Lycée Bour­bon et Insti­tu­tion Sainte-Barbe), il découvre vite la déchris­tia­ni­sa­tion de ses condis­ciples : en récréa­tion, il est le seul à se dire chré­tien. L’ins­ti­tu­tion est pour­tant diri­gée par un prêtre.

Charles de Monta­lem­bert épou­sera, en 1836, Anna de Mérode, de noblesse belge, dont il aura quatre filles.

Jour­na­liste, défen­deur d’idées

À l’âge adulte, il va mili­ter pour une Église de France indé­pen­dante de l’État, proche de la papauté et libé­rale. Il sera lié aux pères Lamen­nais et Lacor­daire, dans un jour­nal créé par le premier, l’Ave­nir, qui propose une vision progres­siste de la reli­gion. Il se sépa­rera du père Lamen­nais, lorsque celui-ci sera condamné par le pape (1832), mais restera proche du père Lacor­daire. Par la suite, il rachè­tera le jour­nal l’Uni­vers, jour­nal dirigé par Emma­nuel Bailly en 1836 et dans lequel Ozanam écrira. C’est donc quelqu’un qui défend ses idées par la plume à une époque où la presse écrite a une grande influence.

Pour la liberté d’en­sei­gner

Mais un de ses combats les plus célèbres est celui de la liberté de l’en­sei­gne­ment. Sous la Monar­chie de Juillet, l’en­sei­gne­ment est une préro­ga­tive de l’État et les insti­tu­tions privées sont inter­dites. Au nom de la liberté, il s’op­pose à ce mono­pole, qui n’em­pêche pas, même si beau­coup d’en­sei­gnants sont des prêtres, que la reli­gion soit complè­te­ment mise de côté. Le 9 mai 1831, il ouvre, en toute illé­ga­lité, une école privée avec le père Lacor­daire : « la liberté se prend, elle ne se donne pas. » Le procès qui suit sa ferme­ture a un grand reten­tis­se­ment d’au­tant plus que Charles de Monta­lem­bert, devenu pair de France à la mort de son père, échappe aux pour­suites. Le bouillant jeune homme de 21 ans n’a pas l’âge pour siéger (il ne l’aura qu’en 1837) mais ne peut être jugé que par ses pairs. La loi Falloux, en 1850, qui établit la liberté de l’en­sei­gne­ment primaire et secon­daire, lui donnera satis­fac­tion et sera approu­vée par la papauté.

Vincen­tien de la première heure

Au début des années 1830, Charles de Monta­lem­bert tient salon tous les dimanches soir, chez lui, 38 rue Saint Domi­nique à Paris. Beau­coup de jeunes catho­liques s’y croisent, des étudiants, dont Frédé­ric Ozanam, mais aussi des person­na­li­tés très diffé­rentes comme Léon Cornu­det (« l’ami de collège » de Monta­lem­bert) ou Jean-Léon Le Prévost, qui feront partie de la Société de Saint-Vincent-de-Paul et y joue­ront un rôle impor­tant. Ozanam déclare : « on y cause beau­coup et l’on revient tout joyeux par bandes de quatre ou cinq… il respire dans ces réunions un parfum de catho­li­cisme et de frater­nité.  » La ques­tion de la pauvreté n’est pas absente.

Charles de Monta­lem­bert rejoint  la Société de Saint-Vincent-de-Paul sur propo­si­tion d’Em­ma­nuel Bailly. Ozanam mention­nera, dans une lettre à sa mère de 1836, la présence d’un pair de France parmi les membres éminents.

La Répu­blique ou l’Em­pire

Frédé­ric Ozanam consi­dère avec défé­rence son noble ami, et une vision commune du rôle de l’Église et de ses rapports avec l’État les unit.

Toute­fois, Monta­lem­bert souhaite un parti catho­lique auquel Ozanam s’op­pose, qui ne veut pas enfer­mer les catho­liques dans un parti poli­tique. Leurs diver­gences seront à leur apogée lors de la révo­lu­tion de 1848. Monta­lem­bert, fonda­men­ta­le­ment monar­chiste, n’ad­met­tra pas que son ami prenne d’em­blée posi­tion en faveur de la Répu­blique. Dans les années qui suivront, les deux hommes pren­dront des posi­tions oppo­sées, le premier se ralliant à la candi­da­ture à la prési­dence de la Répu­blique du prince Louis Napo­léon et accep­tant le coup d’État qui abou­tira au Second Empire, quand le deuxième, avec le père Lacor­daire, les rejet­tera. Tous deux seront fina­le­ment déçus par le nouveau régime, qui ne prend pas en compte la ques­tion sociale.

Grand seigneur, appar­te­nant à l’aris­to­cra­tie euro­péenne, écri­vain, membre de l’Aca­dé­mie française, catho­lique engagé, ayant marqué son époque, Charles de Monta­lem­bert conti­nue, aujour­d’hui, d’ins­pi­rer des penseurs poli­tiques, et des cercles de réflexion font réfé­rence à sa pensée.

Chris­tian Dubié,
président du CD du Cher

EN SAVOIR +

« Pour ceux qui restent fidèles à l’al­liance de la reli­gion et de la liberté » la dispa­ri­tion d’Oza­nam est « une perte irré­pa­rable […] Une appré­cia­tion diverse des désastres de 1848 nous avait un instant sépa­rés, sans nous rendre enne­mis, mais grâce aux évène­ments qui ont dû nous éclai­rer mutuel­le­ment, nous nous étions instinc­ti­ve­ment retrou­vés et rappro­chés. Je me sentais comme autre­fois d’ac­cord avec lui sur tout. » Charles de Monta­lem­bert – La Roche-en-Brény (Côte-d’Or) 18 octobre 1853.

Caricature de Montalembert au moment de l'adoption de la loi Falloux. (Honoré Daumier, lithographie, 1850. CC-Musée Carnavalet Histoire de Paris)

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