De Vincent à Ozanam, une charité tournée vers les pauvres

Plus de deux siècles les séparent. L’un était prêtre, l’autre laïc. L’un a vécu 80 ans, l’autre est mort à 40. Et pourtant, on peut dire sans se tromper que Frédéric Ozanam est un disciple de Vincent Depaul : saint Vincent de Paul.

Saint Vincent de Paul (1581–1660)

La vie du prêtre s’ar­ti­cule clai­re­ment en deux parties. Le jeune homme, ambi­tieux, n’est pas issu d’une famille pauvre comme cela a été dit, fait des études au collège et se tourne vers la théo­lo­gie à l’uni­ver­sité de Toulouse puis devient prêtre en 1600. Il devient aumô­nier à la Cour de la reine Margue­rite de Valois en 1610 et précep­teur de la famille des Gondi, de sang royal, en 1613. Le prince de Gondi lui confiera plus tard (1619) la charge d’au­mô­nier géné­ral des galères.

Mais, avant, en 1617, la grâce touche Vincent Depaul, à Gannes (Oise) et à Châtillon-lès-Dombes (Ain), où il découvre la pauvreté spiri­tuelle et maté­rielle. Dans un contexte de guerre, il va deve­nir « l’apôtre de la charité ». À sa mort, il lais­sera une œuvre consi­dé­rable au profit des pauvres, qu’il aura servis pendant 43 ans, et dans laquelle il aura entraîné une bonne partie des dames de la noblesse, auprès de laquelle il pensait faire carrière.

Il va créer les Confré­ries de Charité ou Dames de Charité, issues de la noblesse et de la haute bour­geoi­sie (aujour­d’hui Équipes Saint Vincent), une Congré­ga­tion de prêtres, la Congré­ga­tion de la Mission, dite les Laza­ristes, présents, de son vivant, en Afrique du Nord et à Mada­gas­car, et la Compa­gnie des Filles de la Charité avec sainte Louise de Marillac. Il lais­sera de nombreux écrits, dont beau­coup seront détruits au moment de la Révo­lu­tion, mais dont une partie nous est parve­nue.

Saint Vincent n’était pas un homme à fonder sur le sable

L’es­prit de Vincent au XIXe siècle

À l’ins­tar du XVIIe siècle, le XIXe siècle va voir naître de nombreuses œuvres cari­ta­tives (Emma­nuel Bailly, qui a accueilli la première confé­rence de charité, en est l’un des témoins). Dès lors, il n’est pas surpre­nant que le culte de saint Vincent de Paul ait été vif chez les catho­liques. Le 25 avril 1830, le trans­fert de ses reliques de Notre‑­Dame de Paris jusqu’à la chapelle des Laza­ristes, rue de Sèvres, se fait en présence de nombreuses personnes.

Dès 1833, les confrères célé­bre­ront sa fête, à cette époque le 19 juillet. Frédé­ric Ozanam y parti­ci­pera et en rendra compte dans ses écrits.

Si c’est Jean-Léon Le Prévost qui, le 4 février 1834, se fera le porte-parole des confrères pour deman­der que la confé­rence de charité se place sous son patro­nage et célèbre sa fête, Ozanam en était parti­san et déve­lop­pera, par la suite, ce qu’im­plique ce patro­nage : «  Un saint patron…c’est un type qu’il faut s’ef­for­cer de réali­ser, comme lui-même a réalisé le type divin de Jésus-Christ. C’est une vie qu’il faut conti­nuer, un cœur auquel il faut réchauf­fer son cœur, une intel­li­gence où l’on doit cher­cher des lumières ; c’est un modèle sur la terre et un protec­teur au ciel ; un double culte lui est dû, d’imi­ta­tion et d’in­vo­ca­tion… Ne doutons pas que saint Vincent de Paul n’ait eu une vision anti­ci­pée des maux et des besoins de notre époque. Il n’était pas homme à fonder sur le sable, ni à bâtir pour deux jours…  » (à F. Lallier, 17 mai 1838)

Vincent devient l’apôtre de la charité

Ozanam, à la suite de Vincent

Dans le « Rapport sur les travaux de charité, lu à la réunion du vendredi 27 juin 1834 » dont l’un des auteurs est Ozanam, la filia­tion est établie avec l’évo­ca­tion du saint : « S’il nous est permis… de compa­rer les petites choses aux grandes, l’œuvre du disciple à l’œuvre du maître, nous jette­rons un coup d’œil plein d’amour et d’es­pé­rance sur les premiers pas que nous avons faits ensemble dans la voie de la chari­té…  »

Si l’on veut s’en­har­dir à faire un paral­lèle entre la vie de saint Vincent de Paul et celle d’Oza­nam, on peut dire que 1833 équi­vaut à 1617. Ozanam découvre la pauvreté en parti­ci­pant à la première confé­rence de charité. Lui, qui pensait défendre le catho­li­cisme par la plume et le verbe et envi­sa­geait une brillante carrière univer­si­taire, se trouve plongé dans l’ac­tion. Dès lors, dans une démarche vincen­tienne, l’Évan­gile va se révé­ler à lui à travers les pauvres : « Vous êtes nos maîtres et nous serons vos servi­teurs, vous êtes pour nous les images sacrées de ce Dieu que nous ne voyons pas, et ne sachant pas l’ai­mer autre­ment, nous l’ai­mons en vos personnes. » (à L. Janmot – 13 novembre 1836). Il reprend l’ex­pres­sion de saint Vincent de Paul : « les pauvres sont nos maîtres ».La filia­tion est spiri­tuelle : « servant les pauvres, on sert Jésus-Christ » (saint Vincent de Paul, 1634), la prière et le service des pauvres ne font plus qu’un : la charité change de nature et implique l’ac­tion.

Chris­tian Dubié,
président du CD du Cher

EN SAVOIR +

« Frédé­ric Ozanam aimait tous les dému­nis. Dès sa jeunesse, il a pris conscience qu’il ne suffi­sait pas de parler de la charité et de la mission de l’Église dans le monde : cela devait se traduire par un enga­ge­ment effec­tif des chré­tiens au service des pauvres. Il rejoi­gnait ainsi l’in­tui­tion de Monsieur Vincent : «  Aimons Dieu, mes frères, aimons Dieu, mais que ce soit aux dépens de nos bras, que ce soit à la sueur de nos visages. » »

Pape saint Jean-Paul II lors de la béati­fi­ca­tion de Frédé­ric Ozanam (1997)

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