La Société de Saint-Vincent-de-Paul, un réseau international de charité depuis ses débuts
«Je voudrais enlacer [enserrer] le monde entier dans un réseau de charité.» Cette phrase, attribuée à Frédéric Ozanam, illustre bien son idée de ne pas limiter l’action de charité à la première conférence parisienne mais bien de la rendre universelle, à l’image du message du Christ. Avec un développement immédiat et rapide. Retour sur cette expansion. Par Christian Dubié, président du Cd du Cher
Le rôle déterminant de Frédéric Ozanam
Les conférences de Saint-Vincent-de-Paul vont se développer d’abord en France puis, très vite, à l’étranger. A la mort d’Ozanam, vingt ans après la création de la première conférence à Paris, la Société de Saint-Vincent-de-Paul était présente, dans seize pays (France comprise), parfois avec plusieurs conférences, non seulement en Europe mais également dans le « Nouveau Monde ».
Une fois encore, si Ozanam n’est pas le seul responsable de cette expansion, il en est le principal promoteur. Ozanam a la « fibre internationale » du fait de sa naissance à Milan. Il aura toujours un profond attachement à l’Italie, qu’il visitera plusieurs fois et où il vivra ses dernières semaines, à Pise, rendant encore visite aux confrères de Florence où il prononce son dernier discours, Livourne et Sienne. Mais c’est aussi un voyageur : il visitera l’Allemagne, Londres, la Suisse, la Belgique et l’Espagne, alors qu’il est déjà très malade.
Il a pour lui une qualité, qui jouera en sa faveur pour sa désignation au poste de professeur de littérature étrangère comparée en Sorbonne, il maîtrise les langues vivantes (italien, allemand, anglais et espagnol) comme les langues anciennes (grec, latin, hébreu). Ses voyages s’inscrivent presque toujours dans le cadre de sa mission universitaire mais il en profite pour visiter les conférences naissantes.
Un premier règlement et un Conseil général
En France, comme à l’étranger, le développement des conférences se fait, la plupart du temps, à partir des membres des conférences parisiennes. Mais il est soutenu par des structures mises en place par la Société. Ainsi, le premier règlement, adopté en 1835, dont le premier article est : « La Société de Saint-Vincent-de-Paul reçoit dans son sein tous les jeunes gens chrétiens qui veulent s’unir de prières, et participer aux mêmes œuvres de charité, en quelques pays qu’ils se trouvent », formulation intéressante, puisqu’il n’y a pas encore de conférence en dehors de la France.
En 1839 un Conseil Général est créé. Son but est clairement d’unifier les conférences autour de l’esprit des fondateurs. Il s’occupera aussi, lors de leur éclosion, des conférences hors de France. Le bulletin de liaison, trait d’union entre les membres, naît en 1848.
Naissances des Conférences à l’étranger
En 1836, Ozanam se réjouit de la naissance d’une conférence à Rome ayant pour objet « la visite des pauvres français dans les hôpitaux ». D’autres conférences suivront en Italie. En romantique mais aussi pour ses travaux littéraires et enfin pour défendre le catholicisme face au protestantisme, Ozanam est attiré par l’Allemagne. Il y effectue un voyage en 1840 et c’est l’un de ses amis, Léon Boré, qui contribuera à la création de la première conférence à Munich en 1845. En 1846, à Mexico, la première conférence aux Amériques est agrégée : Ozanam signera la lettre. Elle a été créée par un médecin venu étudier en France entre 1833 et 1836. En 1844, une conférence est créée à Londres par George Wigley, un ami d’Ozanam. Ce dernier visitera la conférence à l’occasion d’un déplacement en 1851.
Aux États-Unis, la première conférence est créée fin 1845, à Saint-Louis (Missouri) grâce à un prêtre qui a rapporté un règlement de la SSVP de Dublin.
En Espagne, une conférence voit le jour en 1849 grâce à un Espagnol membre de la Société en France. À la mort d’Ozanam, il y avait environ 2 000 conférences réparties à travers le monde.
Une Société qui rayonne dans le monde
En 1932, il y en avait 13 164 (dont 1 621 en France) soit 11 547 à l’étranger, réparties sur les cinq continents, comptant un peu plus de 135 000 membres.
Lors du centenaire (1933), les pays comptant plus de 5 000 membres étaient, dans l’ordre : les États-Unis, la France, le Brésil, l’Italie, l’Allemagne, la Belgique, l’Espagne, l’Angleterre, la Colombie, le Canada, les Pays-Bas, l’Irlande et l’Australie. Le président Roosevelt, en personne, assista à une réception commémorant la création, à New York, le 4 octobre, et y prononça un discours sur l’origine de la Société.
Ainsi, en un siècle, le rêve de Frédéric Ozanam était réalisé.
En 2023, la Société de Saint-Vincent-de-Paul est présente dans plus de 150 pays et rassemble plus de 800 000 bénévoles. L’instance internationale, le Conseil Général International est basé à Paris, la Société de Saint-Vincent-de-Paul France en est l’un des membres fondateurs.
À vingt ans, Ozanam inaugure, avec une poignée d’étudiants, la première conférence de Saint-Vincent-de-Paul… Après Paris, Lyon, il en étend le bienfait à la France en attendant les deux mondes : « Je voudrais, a-t-il dit, enlacer le monde entier dans un réseau de charité ». Ses yeux, avant de se fermer devaient compter deux mille de ces foyers desquels le Seigneur avait dit : « Je suis venu apporter le feu dans le monde : et que veux-je sinon qu’ils s’allument partout ? »
Le réseau de charité d'Ozanam
« Frédéric Ozanam d’après sa correspondance », préface de l’édition de 1922 page 15.