Les lettres de Frédéric Ozanam

Aujourd’hui regroupées et publiées dans une série de plusieurs volumes, les lettres de Frédéric Ozanam constituent une part importante de ses écrits. Cette correspondance fait entrer dans l’intimité du fondateur de la Société de Saint-Vincent-de-Paul et montre la profondeur de sa foi.

Histoire d’une œuvre épis­to­laire

Très tôt, les amis d’Oza­nam amis souhai­tèrent faire vivre sa mémoire en écri­vant une « vie de Frédé­ric ». Alexandre Dufieux rassem­bla des lettres des amis lyon­nais. Il était en lien avec Amélie Ozanam, son épouse, et ses beaux-frères. De même, Jean-Jacques Ampère se mit à la dispo­si­tion d’Amé­lie et rédi­gea une « notice » publiée dans le « Jour­nal des débats » du 9 au 12 octobre 1853. Avec quelques amis, il fait paraître en 1855 les Œuvres complètes, regrou­pant les écrits publics d’Oza­nam. Une paru­tion rendue possible par une sous­crip­tion, regrou­pant plus de 200 parti­ci­pants : amis d’Oza­nam, de nombreux prélats et prêtres. Lacor­daire était aussi sur les rangs. Solli­cité par Amélie et ses amis, il rédi­gea une notice qui parut en tête des Œuvres Complètes

Une partie des lettres d’Oza­nam, rassem­blées par Amélie, était, d’ores et déjà, dispo­nible. Celles-ci paraî­tront en 1865 et consti­tue­ront les Tomes X et XI des Œuvres. Une dernière édition du vivant d’Amé­lie († 1894) paraî­tra en 1891. « Cette corres­pon­dance deve­nait une source d’in­for­ma­tions ines­ti­mable pour les histo­riens. » (G. Cholvy). Elles seront aussi à l’ori­gine, en 1912, de la publi­ca­tion par Mgr Baunard, en liai­son avec Marie, la fille d’Oza­nam († 1912), de l’ou­vrage Frédé­ric Ozanam d’après sa corres­pon­dance.

« C’est en liant les lettres de Frédé­ric que vous appren­drez à bien le connaître » (Amélie Ozanam)

Aujour­d’hui, les Lettres sont regrou­pées en quatre volumes prin­ci­paux et deux supplé­ments couvrant des périodes inégales dans le temps : 1819–1840 (Lettres de jeunesse), 1841–1844 (Premières années à la Sorbonne), 1845–1849 (L’en­ga­ge­ment), 1850–1853 (Les dernières années).

Lettres d’un croyant

Le contenu des lettres est varié mais avec une constante qui est la présence de Dieu dans la vie d’Oza­nam. Il a connu le doute, proba­ble­ment en partie lié à la mort de sa sœur aînée, quand il avait sept ans : il parle de sa « desti­née éter­nelle » sur laquelle il s’in­ter­roge au début de l’ado­les­cence. Nous n’avons pas d’écrit de cette époque. Il se confiera, plus tard, ayant retrouvé la foi grâce à l’Abbé Noirot, à partir de 1829, dans ses nombreuses lettres à son ami Materne. Certaines sont de véri­tables examens de conscience.

À ce moment-là, il se fait ardent défen­seur du catho­li­cisme, face à un athéisme omni­pré­sent, y compris au collège. Avec la vaillance d’un jeune cheva­lier, il n’hé­site pas à attaquer par la plume, en s’ins­pi­rant des auteurs chré­tiens qu’il admire : Chateau­briand et Lamar­tine. Nous sommes en plein roman­tisme.

Une croi­sade pour la justice sociale

En 1833, le cheva­lier relè­vera le gant face aux attaques des étudiants athées et ce sera le point de départ de sa croi­sade contre la pauvreté et pour la justice sociale avec la Société de Saint-Vincent-de-Paul : l’œuvre de sa vie.

Frédé­ric Ozanam rendra compte de son déve­lop­pe­ment dans ses lettres. Mais nous aurons aussi des consi­dé­ra­tions sur le fossé qui se creuse entre riches et pauvres, l’ar­gent et son utili­sa­tion. Il montre par là sa concep­tion d’un chris­tia­nisme agis­sant et, à partir de 1836, surtout, se pose en disciple de saint Vincent de Paul (lettres à L. Janmot, à Lallier). Ses propo­si­tions sociales concrètes en 1848 (lettre à A. Dufieux) en seront l’abou­tis­se­ment.

Lettres intimes

Cette foi agis­sante le fait hési­ter sur la ques­tion du mariage, dont il a peur qu’il l’en­traîne dans « un égoïsme à deux ». Lallier est son prin­ci­pal confi­dent. Même s’il avoue ne pas « comprendre » les femmes, il cherche un idéal  « qu’elle vaille beau­coup mieux que moi » (à L. Curnier 1835). Pour lui, dans le mariage, Dieu sauve les époux « l’un par l’autre » (à sa fian­cée, 1841). Cela n’était pas pour rendre son choix facile entre mariage et prêtrise.

Les lettres à sa fian­cée (1840–41) sont parti­cu­liè­re­ment belles. Il raconte sa vie et se confie sur un grand nombre de sujets, comme il le fera plus tard en tant qu’époux et père, et comme il le fit, étudiant, avec ses parents et ses amis. Récits de voyages, d’évè­ne­ments, du choléra (1832), à la révo­lu­tion de 1848, dans laquelle il entre­voit l’es­poir d’une société chré­tienne plus juste.Vers la fin de sa vie, ses deux frères tien­dront une place parti­cu­lière avec ses amis de la Société de Saint-Vincent-de-Paul.

L’ap­port des lettres d’Oza­nam est donc de nous faire rentrer davan­tage dans son inti­mité que ne le font ses autres écrits et ce que l’on peut rete­nir « c’est son effort constant pour mettre sa vie et son action en confor­mité avec sa foi » (Ch. Fran­con­net).  

Chris­tian Dubié,
président du CD du Cher

Didier Ozanam, l’un des héri­tiers de Frédé­ric

Arrière-petit-neveu de Frédé­ric Ozanam, Didier Ozanam (1922–2024) est l’un des maîtres d’œuvre de l’édi­tion critique des Lettres de Frédé­ric. Décédé en février dernier à l’âge de 101 ans, il était présent lors de la béati­fi­ca­tion en la cathé­drale Notre-Dame de Paris (août 1997). Au cours de la célé­bra­tion, il avait remis au pape Jean-Paul II une partie des lettres d’Oza­nam. 

Sa cousine, Magde­leine Hous­say publie un témoigne sur l’œuvre et la vie de cet héri­tier discret au service de l’un des fonda­teurs de la Société de Saint-Vincent-de-Paul :  https://www.ssvp.fr/ozanam-maga­zine/notre-histoire/didier-ozanam-un-histo­rien-au-service-de-frede­ric

Didier Ozanam remettant une partie des Lettres au pape Jean-Paul II lors de la béatification de Frédéric Ozanam

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