Sœur Rosalie au cœur de la première Conférence de Charité
Sœur Rosalie Rendu joue un rôle essentiel aux débuts de la première Conférence de Charité, équipe de la Société de Saint-Vincent-de-Paul, dans les années 1830. Alors qu’aucun des confrères ne connaît beaucoup les pauvres, Emmanuel Bailly propose d’aller la rencontrer, car son œuvre est connue de tous dans le quartier Mouffetard, le plus pauvre de Paris, et même bien au-delà. Par Christian Dubié, président de la SSVP du Cher (MàJ fev 2024)
Sœur Rosalie et la Société de Saint-Vincent-de-Paul
Dès les débuts de la conférence de charité, Jules Devaux est chargé de contacter sœur Rosalie : « Elle me donna une liste de pauvres à qui je dus porter des bons de pain, de viande et de bois, et quelques paroles affectueuses… » dira-t-il. Très vite, chaque confrère de la première équipe de la Société de Saint-Vincent-de-Paul a une famille à visiter. Sœur Rosalie, par la suite, continue à les recevoir avec bienveillance.
Du Jura à Paris, le destin de Jeanne-Marie Rendu
Jeanne-Marie Rendu, en religion sœur Rosalie, est née le 8 septembre 1786 à Confort, près de la frontière suisse. Elle connaîtra trois révolutions et deux épidémies de choléra. Jeanne est l’aînée de quatre filles, dont la dernière décédera peu après sa naissance, la même année que son père, en 1796.
Sur le plan matériel, la famille vit dans « un bien être éloigné du luxe et de la gêne »*. À l’époque de la « Terreur », les Rendu cachent des prêtres « réfractaires » ; elle-même fera sa première communion dans une cave. Lorsque l’Église peut ressortir au grand jour, elle est envoyée au pensionnat de Gex tenu par des Ursulines. Jeanne est attirée par la vie religieuse et les pauvres. Lorsqu’elle rencontre les Filles de la Charité, qui œuvrent à l’hôpital de Gex, elle trouve sa vocation.
Un jour, après avoir vaincu le refus de sa mère, elle part à Paris avec une de ses amies pour entrer chez les « filles de saint Vincent de Paul ». Le 25 mai 1802, elle intègre leur noviciat. Remarquée pour ses qualités, elle est rapidement envoyée à « la maison de la rue de l’Épée de Bois. » Elle y passera sa vie. Rosalie est une organisatrice qui, en plus des visites, crée une école, une crèche, un patronage pour les jeunes filles, un asile pour les vieillards : aucune œuvre de charité ne lui est étrangère. Son parloir, où se côtoient pauvres et riches, ne désemplit pas (parfois plus de 500 visites par jour).
Au service des pauvres dans le quartier Mouffetard
Le parloir est fréquenté par les jeunes confrères de la Société de Saint-Vincent-de-Paul. « Vu du faubourg Saint-Marceau, le monde prend une autre figure… » * Elle sait aussi nouer des relations au plus haut niveau, qui lui seront utiles pour aider les pauvres et dans les temps difficiles. En 1832, l’épidémie de choléra1 frappe essentiellement les pauvres qui croient à une action des riches pour les éliminer. Sœur Rosalie et ses « filles »2 vont se dépenser sans compter pour soulager les souffrances pendant et après l’épidémie, en s’occupant de ceux qu’elle a laissés sans soutien : femmes, enfants… Son nom sera un sauf-conduit pour des médecins que l’on soupçonne d’être l’instrument des riches.
Mais l’épreuve la plus dure est sans doute, pour elle, la révolution de 1848 : « Je crois que, si à ce moment on était descendu en enfer, on n’y aurait pas trouvé un seul diable, ils étaient tous dans nos rues : jamais je n’oublierai leurs visages. » Dans ces jeunes, elle voit ceux qu’elle a aidés. Elle soigne, elle cache ceux qui ne veulent pas participer au mouvement. Mais elle s’interpose aussi, lorsqu’un officier trouve refuge chez elle, en usant de son ascendant sur ceux qui veulent le tuer. Ensuite, elle cachera ceux qui fuient la répression, ce qui lui vaudra des ennuis avec la police. Elle s’en sortira grâce à sa popularité, et sauvera beaucoup de ceux qui sont condamnés.
Dans l’église Saint-Médard (Paris), une sculpture rappelle l’œuvre fondatrice de sœur Rosalie.
Servante, amie, sœur… humble et décorée
En 1852, Napoléon III lui décerne la Légion d’honneur. Elle veut refuser, mais accepte sous la pression de son supérieur, le père Étienne. Tout le quartier applaudit, « chaque pauvre se croyant décoré en sa personne »*. Pour elle, ce sera un drame : « Appelez-moi votre servante, votre amie, votre sœur, si vous voulez. Voilà tout ce que je suis. »* Elle ne portera jamais sa décoration. Le 18 mars 1854, l’empereur et l’impératrice viennent visiter la rue de l’Épée de Bois. Mais sa santé décline et dans la dernière année de sa vie, elle devient aveugle. Elle meurt le 7 février 1856, cinq jours après sa mère, qui ne l’avait pas revue depuis 1814 !3
On exposa son corps dans une chapelle ardente et, pendant deux jours, tous ceux dont elle avait soulagé les souffrances se pressèrent autour de son cercueil. Ses funérailles drainèrent une foule immense et les hommages, même des plus hostiles à la religion. D’abord au cimetière du Montparnasse dans le quartier réservé aux sœurs, sa tombe est déplacée, quelques mois plus tard, dans une des extrémités pour qu’on puisse plus facilement la trouver.
Ainsi s’achève une vie totalement consacrée à Dieu et aux pauvres.
* Armand de Melun, Vie de la Sœur Rosalie, fille de la charité (1857), Hachette Livre – BNF
1 Voir Ozanam magazine n°239
2 Aucune ne sera victime de la maladie
3 La nouvelle parvint à Paris le jour des funérailles
de sœur Rosalie
Elle dirigea leurs premiers pas…
« Lorsque la Société de Saint-Vincent-de-Paul, ignorante de sa destinée, se rassembla pour la première fois dans une petite chambre, trop grande encore pour le nombre de ses membres ; lorsque cinq ou six jeunes gens qui avaient sauvé leur foi des influences antireligieuses de l’époque voulurent placer leur croyance, battue par la tempête, sous la sauvegarde de la charité, ils allèrent trouver la sœur Rosalie. Elle les connaissait tous, et avait déjà fait faire à plusieurs l’apprentissage de leur œuvre : elle leur indiqua les familles qu’ils devaient visiter, dirigea leurs premiers pas dans cette carrière que Dieu devait tant agrandir, et ne cessa jamais de s’intéresser à leur progrès. » Armand de Melun, Vie de la Sœur Rosalie, fille de la charité (1857), Hachette Livre – BNF
Elle dirigea leurs premiers pas