Une matinée consacrée aux solitudes – vers une charité plus inventive

Des acteurs de la soli­da­rité se sont retrou­vés « en présen­tiel » pour échan­ger sur le thème de la « Soli­tude, première des pauvre­tés » le jeudi 20 mai, au centre Jean XXIII du Ches­nay. Cette mati­née de réflexion, qui a rassem­blé une centaine de parti­ci­pants, était orga­ni­sée par le Vica­riat charité et mission, en présence de Mgr Bruno Valen­tin, évêque auxi­liaire et en colla­bo­ra­tion avec les respon­sables du Secours Catho­lique et de la société St-Vincent-de-Paul.

« On ne doit pas aller vers l’autre par devoir, mais par socia­bi­lité. Avoir besoin les uns des autres est le préa­lable de l’en­traide », a annoncé d’em­blée l’un des inter­ve­nants, Atanase Perifan, qui a inau­guré la mati­née en visio-confé­rence. Ce vision­naire, fonda­teur dès 2000 de « immeuble en fête – fête des voisins », étendu aujour­d’hui dans le monde entier, n’a pas hésité pas à citer un twit de notre Pape François : « On ne peut pas être un bon Chré­tien sans être un bon voisin ». Fort du succès rencon­tré et des besoins obser­vés, Atanase a créé sept ans plus tard l’as­so­cia­tion Voisins Soli­daires, riva­li­sant d’ini­tia­tives pour rompre les soli­tudes de voisi­nage qui se multi­plient depuis le début de la pandé­mie. Il préside la Fédé­ra­tion euro­péenne des soli­da­ri­tés de proxi­mité.



Les bons côtés d’être à côté

Pour lui, la crise de la COVID a été l’oc­ca­sion de « retis­ser du lien dans notre société où chacun a tendance à consom­mer l’autre ». Elle a vu fleu­rir une multi­tude de « jolies pousses de soli­da­rité » qui devraient conti­nuer à se déve­lop­per malgré la fin de la pandé­mie. Car la soli­da­rité de proxi­mité est plus que jamais un enjeu majeur pour faire face aux défis sociaux issus de la crise sani­taire. C’est pourquoi cet ancien conseiller muni­ci­pal du XVIIème arron­dis­se­ment de Paris a lancé en 2020 le programme « Dépar­te­ment soli­daire », auquel les Yvelines parti­cipent, avec une dizaine de conseils dépar­te­men­taux. Depuis, les actions se sont inten­si­fiées, telles que « l’heure civique », qui consiste à donner une heure par mois de son temps pour une action soli­daire orga­ni­sée dans son quar­tier ou sa commune, afin de venir en aide à un voisin dans le besoin. Avec pour mot d’ordre : les bons côtés d’être à côté !



La géné­ro­sité citoyenne doit irri­guer l’ac­tion publique

Raphaël Sodini , préfet délé­gué à l’éga­lité des chances auprès du préfet des Yvelines, qui repré­sente les pouvoirs publics, a débuté son inter­ven­tion en : « rendant hommage aux mili­tants de la soli­da­rité au quoti­dien. (…) Avec toute sa meilleure volonté et son profes­sion­na­lisme, aucune assis­tante sociale ne pourra appor­ter la qualité d’une rela­tion de proxi­mité entre le béné­vole et la personne visi­tée. Comme dans le conte philo­so­phique “Le Petit Prince”d’An­toine de Saint-Exupéry, il s’agit de bâtir jour après jour une rela­tion de confiance et d’ap­pri­voi­se­ment réci­proque, basée sur la gratuité : « Si tu m’ap­pri­voises, nous aurons besoin l’un de l’autre. Tu seras pour moi unique au monde. Je serai pour toi unique au monde… »

Selon le préfet, depuis la cani­cule de 2003, les personnes âgées isolées béné­fi­cient d’une prise en compte renfor­cée de la part des pouvoirs publics. Numé­ros verts, plate­formes d’écoute et groupes de paroles se sont multi­pliés pour sortir les victimes de l’en­fer­me­ment d’un milieu toxique. Les personnes sans domi­cile stable, davan­tage isolées depuis le confi­ne­ment, sont un autre public soutenu par les pouvoirs publics, par l’in­ter­mé­diaire des SAMU sociaux. « Il y a de la place pour tous les acteurs de la soli­da­rité, qu’ils travaillent pour la fonc­tion publique ou pour des asso­cia­tions cari­ta­tives », conclue Raphaël Sodini. « Le service civique, proposé aux jeunes qui souhaitent vivre la soli­da­rité, est un bon exemple d’une complé­men­ta­rité entre l’ac­tion gratuite et celle rému­né­rée ».

N’hé­si­tons pas à dire : j’ai besoin de toi

« Vivre la soli­da­rité de proxi­mité, au plus proche des besoins, est au cœur de l’ac­tion du Secours Catho­lique et de ses 60 équipes répar­ties sur tout le dépar­te­ment », a souli­gné Cathe­rine Laurent, prési­dente de l’as­so­cia­tion pour la délé­ga­tion Yvelines. « En 2019, 75 % des adultes reçus dans nos lieux d’ac­cueil étaient des personnes en situa­tion de soli­tude », ajoute-t-elle.  Et nul doute qu’avec les consé­quences de la pandé­mie, les chiffres de 2021 seront à la hausse. « Lors de nos rencontres, n’hé­si­tons pas à dire j’ai besoin de toi (…) à créer des espaces collec­tifs pour rompre l’iso­le­ment et favo­ri­ser l’échange », a commenté une béné­vole de l’équipe de Sartrou­ville, dans un témoi­gnage écrit cité par la prési­dente. « Pour créer du lien social de proxi­mité, le Secours Catho­lique possède une force : celle de profi­ter des églises ouvertes », a repris le P.Pierre Bothuan, aumô­nier diocé­sain de l’as­so­cia­tion et curé de Houdan, une paroisse qui regroupe pas moins de 25 clochers !

Autre asso­cia­tion qui regroupe 30 confé­rences sur le dépar­te­ment et pratique la charité de proxi­mité : la société St- Vincent-de-Paul, repré­sen­tée par son président, Renaud Vercken : « Le cœur de notre mission, soute­nue par la prière, est la visite à domi­cile qui s’ins­crit dans la durée. Les pauvres sont nos maîtres, commente celui-ci en citant leur saint fonda­teur, le bien­heu­reux Frédé­ric Ozanam. Nous n’ar­ri­vons pas en conqué­rants mais en humbles servi­teurs  ».

La mati­née d’échanges a été conclue par Mgr Bruno Valen­tin, qui a salué « la profonde unité de vue de tous les inter­ve­nants . (…) Sur tous ces enjeux de la soli­da­rité, nous avons voca­tion à avan­cer ensemble. Nous sommes tous les ambas­sa­deurs d’une remise en mouve­ment de la soli­da­rité, portée dans le diocèse ». Ce qui nous distingue, c’est la gratuité. Un envoi plein d’es­pé­rance pour exis­ter en complé­men­ta­rité, décom­plexés et anti­ci­per les besoins, aux lende­mains de la pandé­mie.