Un café, des oeufs et une coupe de cheveux
À Paris, l'équipe de bénévoles de la paroisse Saint-Étienne-du-Mont propose un service de coiffure aux personnes accueillies qui fréquentent le petit-déjeuner solidaire du samedi matin. Un moment précieux, pour prendre soin de soi et le temps de dialoguer avec l'équipe. Par Valérie-Anne Maitre, rédactrice en chef adjointe
Petit-déjeuner et coiffeur
« Léonard* ! Tu veux la même coupe que moi ? » David*, la trentaine, passe la main sur son crâne presque rasé et sourit à celui qui s’installe à sa suite dans le fauteuil du coiffeur. « Certainement pas ! » répond Léonard mi-amusé mi-agacé. Le sexagénaire hoche la tête et demande: « Moi je veux juste qu’on coupe les pointes. » Philippe, pose la tondeuse et attrape une paire de ciseaux : « Pas de problème, l’essentiel c’est que la commande soit claire. »
Philippe, c’est le coiffeur du samedi matin. Dans une salle paroissiale de l’église Saint-Étienne-du-Mont (Paris 5e) il propose ses services aux hommes venus prendre le petit-déjeuner offert par l’équipe locale de la Société de Saint-Vincent-de-Paul. « On est connu sous le nom des 'oeufs’, raconte Jacques, à la tête de l’équipe, mais c’est complet : on sert des pizzas, des quiches, du thé, du café… 50 à 80 personnes du quartier fréquentent cet endroit selon les jours. » Ce samedi matin, pendant que Jacques, Dominique et les autres s’activent pour cuire les œufs et servir les plats, Philippe agite les ciseaux pour une dizaine de clients qui attendent leur tour.
David lui, s’est mis en quête d’une paire de chaussettes. Le jeune homme dort dans la rue, il aimerait repartir les pieds au sec. « Le plus difficile dans la rue, c’est pas le froid, c’est la pluie. » À Saint-Étienne-du-Mont, l’équipe propose aussi un service de vestiaire. Les vêtements et articles d’hygiène sont fournis par les paroissiens et des habitants du quartier.
Bénévoles et personnes accueillies ensemble à table
Les fines boucles de Léonard tombent sur le sol. « Que deviens tu ? lui demande Philippe, ça fait longtemps qu’on ne t’a pas vu ici. » Immobile sous le drap protégeant ses vêtements, Léonard annonce avoir trouvé une place dans un foyer, dans quelques mois il aura même droit à un logement. Pour chacun de ses client, le coiffeur prend le temps d’échanger, la conversation se déroule comme dans n’importe quelle échoppe. Ce jour là, Philippe en profite pour demander des nouvelles d’une personne du quartier qu’il n’a pas vue depuis plusieurs semaines.
Dehors, alors que le service du petit-déjeuner se poursuit, les autres bénévoles profitent d’un moment de répit pour s’assoir à table et discuter avec les personnes accueillies. « Elles nous font part de leurs soucis, de leurs difficulté mais aussi de leurs joies du quotidien, explique Jacques. On échange sur nos vies… Léonard, on le connaît depuis 10 ans, cela fait plaisir d’avoir des nouvelles ! »
Derniers coups de brosse pour éliminer les cheveux coupés sur les vêtements, Philippe tend son portable à Léonard pour qu’il puisse voir le résultat : « On n’a plus de miroir ici ». La coupe est validée. « Tu es bien Léonard ! » approuve David qui cherche toujours les chaussettes. Il est temps de laisser la place au client suivant.
*les prénoms ont été modifiés