Frédéric Ozanam, un saint naturellement
Béatifié en 1997 par le pape saint Jean-Paul II lors des Journées Mondiales de la Jeunesse à Paris le 22 août 1997, Frédéric Ozanam pourrait un jour être déclaré saint. Le procès en vue de sa canonisation est en cours. Par Christian Dubié, bénévole Vincentien
Ozanam, athlète de la foi
Frédéric Ozanam a été considéré comme un saint par certains de ses contemporains dès les premières années qui suivirent son décès. Voici ce qu’écrivait à Amélie Ozanam, en 1866, soit treize ans seulement après sa mort, Mgr Plantier, évêque de Nîmes, où avait vu le jour la première conférence en dehors de Paris : « Ce n’était pas seulement un érudit prodigieux, un professeur éminent, un brillant écrivain. C’était l’athlète de la foi, c’était l’ange de la charité : c’était un saint. »
L’amour passionné des pauvres et de la vérité fut l’âme et la gloire de sa vie publique.
Jules Devaux et Léonce Curnier, pour ne citer qu’eux deux, lui rendirent aussi témoignage : « Je crois le voir dans le ciel entre saint Vincent de Paul et saint François de Sales, occupant la place qu’ils avaient gardée pour leur fidèle disciple. » Le renom de sainteté d’Ozanam ne s’arrête pas avec la disparition de ceux qui l’ont connu. L’édition de ses œuvres complètes, grâce à son épouse, et les rééditions successives permettent de mieux le connaître. Une fois la controverse de 1856 passée, Ozanam est définitivement considéré comme l’artisan de la création de la Société de Saint-Vincent-de-Paul et dans les années 1879–1882, la Société fait rédiger par Lallier le récit de ses origines. L’année 1913, qui célèbre le centenaire de sa naissance, confirmera ce rôle prééminent. Le 4 octobre 1912, l’archevêque de Paris avait accordé son imprimatur à une prière demandant sa béatification.
Ozanam, serviteur de Dieu
Selon le président général de la Société en 1922, l’idée de béatifier le fondateur ne venait pas du Conseil Général mais lui avait été inspirée « par des prêtres très éclairés et très respectés du Diocèse de Paris, qui, plus que tous autres, ont étudié la vie et les écrits d’Ozanam ». Parmi ces prêtres, il y avait Mgr Baunard, auteur du livre « Frédéric Ozanam d’après sa correspondance » (1911), pour lequel il avait été aidé par la fille d’Ozanam († 26 juin 1911). Avec l’appui de dignitaires de l’Église, dont le Nonce Apostolique, les choses reprirent après la guerre de 1914–1918 et le procès commença le 30 novembre 1924.
On avait pensé pouvoir gagner du temps par une procédure accélérée appliquée à certains contemporains, mais les témoins encore vivants manquaient. L’instruction visant à le déclarer « serviteur de Dieu » fut amorcée par le Conseil Général avec le soutien du Diocèse de Paris le 15 mars 1925. L’étape suivante consistait à rechercher des témoignages de guérisons extraordinaires, qui pouvaient être attribuées à l’intercession d’Ozanam. Le premier témoignage vint du Brésil, en 1926, où un garçon de 18 mois, dont le grand-père était Vincentien, avait été guéri d’une diphtérie foudroyante, suite à la prière de ses parents invoquant Frédéric Ozanam. Une première exhumation du corps, point de passage obligé, eut lieu en 1929. La deuxième eut lieu en 1956, après l’ouverture du procès en béatification.
En marche vers la canonisation
La masse des écrits à consulter et, une nouvelle fois, la guerre, firent, en effet, que la cause ne fut introduite à Rome que le 12 janvier 1954. Si les deux procès, ordinaire et apostolique, furent approuvés le 17 janvier 1962, des insuffisances persistaient et l’enquête fut finalement confiée à un lazariste, le Père Diebold, qui rendit un rapport de 1 225 pages, après sept ans de travail, le 9 juillet 1980. Ozanam fut déclaré vénérable le 6 juillet 1993 et le pape Jean-Paul II, qui s’était déclaré favorable à sa béatification dès 1983, signa, le 25 juin 1996, le décret reconnaissant le miracle, qui en ouvrait la voie. Celle-ci obtenue, la marche vers la canonisation était possible et, dès lors, le Conseil Général, en la personne de ses présidents successifs, dont Amin de Tarrazi († 5 janvier 2019), sollicita les Conseils Nationaux en vue de témoignages d’un deuxième miracle. Il fut, à nouveau, découvert au Brésil, en 2014, et concernait un enfant à naître atteint d’une malformation, dont la mère, consœur vincentienne, avait invoqué Frédéric Ozanam. L’instruction, ouverte dans le diocèse de Mariana, fut achevée en 11 mois et aboutit à un rapport de 1 000 pages. Ce rapport fut apporté par le 16e président international, M. Renato Lima de Olivera, le 6 octobre 2020, au siège de la Congrégation pour la cause des saints. Les conditions sont désormais réunies pour que Frédéric Ozanam soit officiellement déclaré saint comme l’ont souhaité bon nombre de ses compagnons, il y a plus de cent cinquante ans.
« Fidèle à ce commandement du Seigneur, Frédéric Ozanam a cru en l’amour, l’amour que Dieu a pour tout homme. Il s’est lui-même senti appelé à aimer, donnant l’exemple d’un grand amour de Dieu et des autres. Il allait vers tous ceux qui avaient davantage besoin d’être aimés que les autres, ceux auxquels Dieu Amour ne pouvait être effectivement révélé que par l’amour d’une autre personne. Ozanam a découvert là sa vocation, il y a vu la route sur laquelle le Christ l’appelait. Il a trouvé là son chemin vers la sainteté. Et il l’a parcouru avec détermination. »
Homélie du pape saint Jean-Paul II lors de la béatification de Frédéric Ozanam (extrait) Notre-Dame de Paris, 22 août 1997