Canonisation de Frédéric Ozanam : le patient travail d'Amin de Tarrazi
Frédéric Ozanam a été béatifié par le pape saint Jean-Paul II en la cathédrale Notre-Dame de Paris, le 22 août 1997. Un événement auquel Amin de Tarrazi, ancien président national puis international a largement contribué. Par Philippe Menet et Pierre Bonnassies, bénévoles vincentiens (MàJ février 2024)
Ozanam béatifié à Notre-Dame
« Aujourd’hui, c’est jour de Fête ! » C’est par cet hymne chanté à l’arrivée du Saint-Père que débuta la célébration de béatification de Frédéric Ozanam. La première béatification de l’histoire de l’Église de France en la cathédrale Notre-Dame de Paris, à l’occasion des Journées mondiales de la jeunesse, le 22 août 1997. C’est un événement majeur dans l’histoire de la Société de Saint-Vincent-de-Paul.
« Cette béatification nous engage à renouveler au quotidien notre vocation, à approfondir sans cesse notre spiritualité, à revigorer en permanence notre engagement afin que le message de notre principal fondateur soit une source d’inspiration dans notre combat contre la pauvreté », écrit alors Amin de Tarrazi, chargé de la cause de béatification. « Nous sommes tous rendus heureux parce que cet admirable témoignage, venu d’un de nos frères en Christ et en humanité, nous remplit de joie et d’espérance. »
Il a fallu 72 ans de procédures, de persévérantes démarches de la Société de Saint-Vincent-de-Paul pour mener à bien la cause de son principal fondateur. Ce fut une œuvre de longue haleine auprès de la Congrégation pour la cause des saints : de l’ouverture du procès informatif par le postulateur en 1925, à la guérison du jeune brésilien âgé de 18 mois, Fernando Luiz Ottoni en 1926, puis de la proclamation de « Vénérable » par le pape Jean-Paul II, de « l’héroïcité des vertus du Serviteur de Dieu » en 1993, jusqu’à la cérémonie de béatification à Paris le 22 août 1997.
Un grand espoir de canonisation
Interroger la Commission Canonisation nous a permis de faire le point sur ce qu’il s’est passé depuis. Par l’intercession du bienheureux, plusieurs guérisons ont été retenues par le postulateur, le père Giuseppe Guerra entre 2013 et 2015. Tous les cas cités de ces personnes qui disent avoir été guéries montrent que le Seigneur agit par l’intercession de son saint serviteur et que beaucoup de grâces sont obtenues en priant avec Frédéric Ozanam.
Fin 2015, Amin de Tarrazi a adressé au pape François un rapport sur les multiples facettes de la personnalité de Frédéric Ozanam, plaidant une canonisation « équipollente », c’est-à-dire décidée par un simple décret du pape sans que la reconnaissance d’un miracle soit nécessaire. Un Vincentien argentin, Sébastien Gramajo, actif au Conseil général international (CGI) de la Société de Saint-Vincent-de-Paul, a pris le relais d’Amin de Tarrazi. Entre 2017 et 2019, le promoteur de la cause des saints, Mgr Dubois, a demandé aux Vincentiens du monde entier de prier pour demander la guérison de plusieurs personnes.
Amin de Tarrazi, ancien président du Conseil général de la Société de Saint-Vincent-de-Paul présente au pape Jean-Paul II un buste d’Ozanam, lors de la béatification du fondateur de la SSVP en 1997 (Source mémorial de la béatification de F.Ozanam)
Amin de Tarrazi, habité par l’exemple de Frédéric
Qui est ce Vincentien, Amin, qui a consacré sa vie, tout son temps afin de parler « urbi et orbi » de la Société de Saint-Vincent-de-Paul et qui a été porteur de la béatification de Frédéric Ozanam ? Il a trouvé en lui-même, par la prière du Vincentien, un but pour sa vie : se configurer à Frédéric Ozanam.
Amin a été habité par l’exemple d’Ozanam, son compagnon de route. Dans son livre Ozanam, un saint laïc pour notre temps, il dit : « Frédéric ne fut pas d’une pâte différente de celle dont sont faits ses semblables, il fut un homme comme nous… »
De nombreux traits communs les rapprochent. Par ses origines libanaises et par sa formation, d’une grande culture, il est féru d’histoire et de sciences politiques et porte un intérêt particulier à l’histoire de la France et du Liban. À 20 ans, il fait partie de la Conférence jeunes de la paroisse Saint-Pierre de Chaillot à Paris et il est sollicité pour participer au Conseil de Paris, puis au Conseil national. Très tôt, il abandonne sa vie professionnelle pour un engagement total au service de la Société de Saint-Vincent-de-Paul. Il est président du Conseil national de France pendant 14 ans, de 1967 à 1981, puis président du CGI pendant 12 ans, de 1981 à 1993, parcourant le monde et faisant sien le souhait de Frédéric : « Je voudrais enserrer le monde dans un réseau de charité. »
Quant à la cause de la béatification, il s’y attelle, quitte tout pour ce beau projet et en devient l’artisan majeur, y consacre tout son temps et toute son énergie dans la joyeuse attente de la célébration de la béatification à Paris. Couronnement de son engagement, elle est un grand moment de ferveur, « un grand souffle de la Charité » jusqu’à l’« Exultate ! Jubilate ! » et une grande joie pour lui d’être présent au côté du pape Jean-Paul II. À 87 ans, il effectue encore une dernière démarche auprès du pape François. Il prend encore soin de rassembler au siège national tous les ouvrages et écrits sur Frédéric Ozanam, en particulier sur les fondateurs. Il organise, avec les descendants de la famille, le Musée Ozanam. Amin de Tarrazi est mort le 9 janvier 2019. Il a, toute sa vie, cultivé l’humanité, la douceur, la joie, la tendresse : tout ce qui fait le sel la vie.