Naissance de la première Conférence

23 avril 1833 à Paris. Ce jour-là, Frédéric Ozanam a 20 ans. C'est aussi la date de naissance de la première Conférence de charité qui devient rapidement Conférence de Saint-Vincent-de-Paul.

De la confé­rence litté­raire à celle de charité

Les fonda­teurs parti­ci­paient à une confé­rence d’his­toire, qui se réunis­sait dans une pension d’étu­diants tenue par Emma­nuel Bailly, jour­na­liste et impri­meur du jour­nal La Tribune Catho­lique, 13 place de l’Es­tra­pade à Paris. Cette confé­rence était large­ment ouverte à des étudiants athées, et les joutes verbales y étaient enflam­mées. Frédé­ric Ozanam décrit cette ambiance, d’une manière plutôt posi­tive, dans une lettre à son cousin Ernest Falcon­net. 1 Mais d’autres, comme Le Taillan­dier, sont plus réser­vés : « J’ai­me­rais mieux un autre genre de réunion, d’où les luttes et les contro­verses seraient bannies et qui ne seraient compo­sées que de jeunes gens chré­tiens, s’oc­cu­pant ensemble et unique­ment de bonnes œuvres. »

Devant les attaques répé­tées contre l’Église, Ozanam repren­dra cette propo­si­tion, en ajou­tant : « Ne vous semble-t-il pas qu’il est temps de joindre l’ac­tion à la parole, et d’af­fir­mer par les œuvres la vita­lité de notre Foi. »

L’ap­pel à M. Bailly

Une incer­ti­tude a long­temps existé quant à la date de la créa­tion et au nombre de parti­ci­pants. On parla d’une réunion au mois de mai avec huit personnes, chiffre annoncé par Ozanam, lui-même. Ce n’est que plus de 100 ans après, en 1955, lorsque fut retrouvé le premier rapport annuel figu­rant sur un cahier dont Ozanam avait annoncé la perte à son ami Léonce Curnier, que furent connus la date exacte, le lieu, et le nom des parti­ci­pants. Ce 23 avril 1833, ils étaient six rassem­blés autour de M. Bailly, qui avait l’ex­pé­rience des œuvres de charité. Pour se distin­guer de la confé­rence d’his­toire, la réunion se tint au 18, rue du Petit-Bour­bon-Saint-Sulpice2, siège du jour­nal La Tribune Catho­lique3.

Ces étudiants n’avaient guère plus de vingt ans : Paul Lamache, né à Rouen en 1810, fils de chirur­gien de marine, était en deuxième année de droit comme Auguste Le Taillan­dier, né à Rouen en 1811, fils de négo­ciant. Étudiant égale­ment, Félix Clavé né en 1811 à Toulouse, fils d’un profes­seur, comme Jules Devaux, né en 1811 à Colom­bières (Norman­die), fils de méde­cin et étudiant en méde­cine. Fils de méde­cin lui aussi, Frédé­ric Ozanam, né à Milan (Italie) en 1813, était étudiant en deuxième année de droit, comme François Lallier, né à Joigny en 1814, lui aussi fils de méde­cin.

 

Plaque sur l’im­meuble où s’est ouverte la première Confé­rence de charité à Paris.

La visite à sœur Rosa­lie

Que faire ? Lors d’une rencontre, le curé de la paroisse Saint-Étienne-du-Mont leur avait suggéré de faire le caté­chisme aux enfants pauvres. Mais cette propo­si­tion n’était pas conforme à leur souhait : eu égard aux critiques formu­lées par leurs cama­rades athées, il leur parais­sait préfé­rable de privi­lé­gier « le pain du corps par rapport au pain de l’âme ».

La visite à domi­cile n’était pas pratique courante à l’époque. Toute­fois, M. et Mme Bailly la pratiquaient, ainsi que les parents d’Oza­nam et, le soir même de la réunion qui avait provoqué leur réac­tion, « Ozanam et Le Taillan­dier portèrent chez un pauvre de leur connais­sance le peu de bois qui leur restait de leur provi­sion pour les derniers mois de l’hi­ver ».4

La visite à domi­cile fut donc adop­tée dès la première réunion. On envoya Devaux rencon­trer sœur Rosa­lie, bien connue du couple Bailly, qui guida leurs premiers pas. Concer­nant les finances, ils firent la charité sur leurs propres deniers, une quête étant faite lors des réunions.

La ques­tion se posa très vite de l’élar­gis­se­ment. Lallier présenta le premier membre admis en dehors du groupe. Les condi­tions s’as­sou­plirent et, dès la troi­sième séance, des membres n’ap­par­te­nant pas à la confé­rence d’his­toire se joignirent aux fonda­teurs. Le Prévost les rejoi­gnit très vite, ainsi que des Lyon­nais amis d’Oza­nam. À la fin de 1833, l’as­so­cia­tion comp­tait vingt-cinq membres et dut chan­ger de local. Dans le même temps, au début de 1834, les œuvres commen­cèrent à se diver­si­fier et furent placées le 4 février 1834 sous le patro­nage de saint Vincent de Paul à la demande de Jean-Léon Le Prévost, se faisant l’in­ter­prète de plusieurs membres.5

Chris­tian Dubié, président du Conseil dépar­te­men­tal du Cher (18)

1 19 mars 1833
2 Aujour­d’hui n° 38 rue Saint-Sulpice, 6° arron­dis­se­ment.
3 De M. Bailly
4 « Frédé­ric Ozanam d’après sa corres­pon­dance »
5 G. Cholvy « Frédé­ric Ozanam – L’en­ga­ge­ment d’un intel­lec­tuel catho­lique au XIXe siècle »

Pourquoi conférence ?

À l’époque, les étudiants du quartier des écoles à Paris se réunissaient par thèmes pour débattre et échanger. Ces réunions étaient baptisées conférences, mot à prendre dans son sens de réunion. C’est donc naturellement qu’Ozanam et ses amis catholiques, se rassemblant pour mettre leurs actes en accord avec leur foi, gardèrent le terme pour créer une « conférence de charité ». Celle-ci deviendra très vite la Conférence de Saint-Vincent-de-Paul.

EN SAVOIR+

« Le bon Dieu a tout fait »


« Personne, pas même Ozanam, celui d’entre nous qui avait certai­ne­ment le plus d’ini­tia­tive et de zèle, personne de nous ne peut rece­voir la quali­fi­ca­tion de fonda­teur de la Société de Saint-Vincent-de-Paul. Nous étions mus unique­ment par le désir de nous prêter, faibles comme nous étions, un amical et frater­nel appui dans la pratique du bien. (…) C’est donc le bon Dieu, le bon Dieu tout seul qui a tout fait ; et c’est pourquoi préci­sé­ment il y a lieu de penser que la Société de Saint-Vincent-de-Paul durera. » Paul Lamache jour­nal Le Monde du 4 août 1892.

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