Un Noël inattendu avec la Société de Saint-Vincent-de-Paul
« C’est formidable qu’un lieu comme ça existe » : à Vannes, un accueil de jour pour les sans-abri.

Samedi 23 et dimanche 24 décembre 2023, des bénévoles se sont mobilisés pour offrir un café, un repas et un peu de chaleur humaine aux personnes qui vivent dans la rue, à Vannes (Morbihan). Comme tous les week-ends durant la période hivernale, l’accueil de jour reçoit ceux qui en ont le plus besoin.
Reportage
« Ici, ils me donnent un truc qui me manque énormément : le sourire. Un truc qui n’a pas de prix quand on fait la manche. Et ça fait du bien. » Damien a 55 ans et il vit dans la rue à Vannes (Morbihan), depuis « plus d’un an et demi ». Chaque week-end, il se rend, avec d’autres « accidentés de la vie », au 22, rue Texier-Lahoulle, à deux pas de la place de la Libération.
Là, dans les locaux de Saint-Vincent-de-Paul, des bénévoles d’associations humanitaires se relaient, week-end après week-end, pour faire fonctionner l’abri de jour durant la trêve hivernale. Comme Laurence Le Texier, bénévole chez Emmaüs depuis une dizaine d’années. Ce samedi 23 décembre, comme une fois par mois, elle assure avec d’autres bénévoles l’accueil des personnes en détresse. « La vie est un long fleuve merdique pour beaucoup de gens », dit cette retraitée, qui, par son engagement, veut « contribuer à le rendre plus beau ».
Café et repas chaud
Un café et des viennoiseries sont offerts le matin et un repas, le midi, souvent constitué d’une soupe préparée par des bénévoles, de denrées offertes par les Restos du cœur, la Banque alimentaire ou provenant d’invendus de supermarchés voire de restes de la maraude de la veille, assurée par Saint-Vincent-de-Paul.
Ce dimanche 24, Viviane a concocté une « soupe de légumes (potimarron, patate douce, poireaux, oignons) ». Elle a aussi apporté des clémentines et du fromage, « parce que c’est Noël ».
Quand les hébergements d’urgence ferment pour le ménage, l’on vient ici recharger son téléphone, lire, jouer à des jeux de société. Ou simplement se mettre au chaud. À l’abri du vent ou de la pluie.
Chauffeur routier « licencié après onze ans de boîte » et à la rue depuis deux ans et demi, Arnaud, 52 ans, « passe la journée ici, depuis trois mois. L’accueil est chaleureux. Je mange, je prends un café, j’écoute de la musique sur YouTube, je vois des gens et je parle. Ça fait du bien, ça met du baume au cœur. »
« Ce lieu, il est fantastique, abonde Bereket, 33 ans, originaire d’Érythrée. Les gens sont gentils, amicaux. En plus, il y a des toilettes, des douches. Tout est parfait. » Sans ressource depuis neuf mois, le jeune réfugié regrette le « manque de place dans les hébergements d’urgence. J’ai déjà passé treize jours dehors et ce n’est pas facile. Moi, je ne bois pas, je veux m’intégrer, mais il y a plein de papiers administratifs à remplir et c’est compliqué… »
« Ne pas porter de jugement »
Parmi les habitués de l’accueil de jour, il y a aussi Benoît, 32 ans, présent tous les jours, ou presque, depuis cinq ans. « J’ai été à moitié SDF, dit-il sobrement. Saint-Vincent m’a aidé et je rends la pareille. »
Pour accueillir les plus démunis, il faut « de l’écoute, de l’empathie, de la patience et de la tolérance. Il ne faut pas porter de jugement », précise Viviane. Et ne pas faire de prosélytisme. « C’est la charité chrétienne des mécréants », résume Parvin, une autre bénévole.
Et si, parfois, à cause de la boisson, « il faut aussi faire un peu la police, on ne doit jamais entrer dans un rapport de force. Il faut savoir louvoyer. »
« Il y a des gens qu’on ne voit jamais »
Outre de la chaleur humaine et un peu de nourriture, les différentes associations humanitaires offrent des vêtements (manteaux, chaussettes…) ou des produits d’hygiène à ceux qu’ils accueillent.
« C’est formidable qu’un lieu comme ça existe », insiste Damien, même s’ils ne sont guère nombreux à fréquenter l’endroit, une dizaine de personnes en moyenne. « C’est difficile d’attirer les gens ici, explique Benoît. Quand on est à la rue, avant de demander des trucs, il faut un certain temps. Il faut ravaler sa fierté. Il y a des personnes qui vivent dehors à Vannes et qu’on ne voit jamais ici. »
Source : Ouest-France du mardi 26 décembre 2023
Journaliste : Nicolas EMMERIAU