Groupes de Fraternité : quand la parole libère
Rassemblés pour se révéler
Pendant quatre jours, 1 700 personnes, bénévoles et personnes accompagnées ont partagé des temps forts à Lourdes. Rassemblés pour des Rencontres Nationales inédites, tous ont « révélé leurs talents ». Entre spectacles et créations artistiques, temps spirituels et de partages et visites du sanctuaire, tous ont vécu des moments intenses. Dans ce dossier, nous vous proposons de rencontrer quelques-uns des participants pour (re)vivre ce grand rassemblement.

Une journée à Lourdes avec Édouard et Nadia
Ozanam Magazine a mis ses pas dans ceux d’Édouard, Vincentien dijonnais, et de son binôme, Nadia, venus assister aux Rencontres Nationales de la Société de Saint-Vincent-de-Paul.
Dossier réalisé par Sophie Le Pivain, pigiste.
8h20, porte Saint-Joseph
Ponctuels, Édouard et Nadia franchissent l’entrée du sanctuaire pour se rendre à la louange qui commence dans cinq minutes à l’intérieur de l’église Sainte-Bernadette. Gilet bleu des Vincentiens sur sa doudoune rouge, Édouard pousse sa protégée dans un fauteuil : habituellement, Nadia marche, mais elle porte aujourd’hui une pantoufle jaune au pied gauche, à cause d’une mauvaise infection au pied, qui la contrarie un peu. Mais son visage s’éclaire tout d’un coup, alors qu’ils passent devant la statue de la Vierge : « Elle est belle, hein ! » répète‑t-elle de sa voix flûtée. L’amitié de ce Vincentien avec son binôme de 63 ans aux cheveux cendrés, qui vit dans un Ehpad depuis 2016, s’est nouée depuis trois ans, au fil des repas qu’organise sa Conférence un dimanche par mois à la cathédrale de Dijon. « Quand le spectacle Bernadette de Lourdes s’est mis à tourner dans les Zéniths, je lui ai offert une place, raconte-t-il. Elle est revenue avec tellement de joie que je n’ai pas hésité à nous inscrire tous les deux quand la rencontre de Lourdes s’est organisée. Nadia étant sous tutelle, ce n’était pas gagné, mais rien ne s’est finalement opposé à notre venue. »
Après s’être assuré que Nadia était bien installée, Édouard profite du « calage » du groupe de louange Praise, qui anime les temps de prière et les messes de ce rassemblement national, façon « pop louange », pour envoyer quelques messages professionnels. Ce médecin de 46 ans a pris trois jours de vacances pour venir, mais « il y a forcément quelques petits ajustements à faire ! » sourit-il.

10h30
Après la messe, place aux groupes sélectionnés pour « révéler leurs talents », selon le thème de ces rencontres. Pièces de théâtre, chorales et autres ateliers de peinture déployés çà et là par les Conférences de Saint-Vincent-de-Paul se succèdent depuis hier dans le chœur transformé en scène. Son grand sourire accroché aux lèvres, Nadia goûte particulièrement le jeu des acteurs. Édouard, lui, a été touché par le film de la veille sur l’atelier dessin d’Auxerre, et en particulier par les paroles d’Agnès, bénévole : « Elle raconte à quel point le fait d’aider les autres l’a aidée à faire tomber ses barrières intérieures. Je le ressens beaucoup avec les gens de la rue, quand je participe aux maraudes. »

15h10
Rien n’arrête Édouard et sa protégée ! Après avoir déjeuné à l’Hôtel des Lys, où ils logent, ils ont pris part au Chemin de croix de 14h organisé sur la prairie. Mais ils ont renoncé aux deux dernières stations pour être à l’heure au chapelet devant la Grotte. La tempête de la veille, qui avait chamboulé l’arrivée de plusieurs groupes de pèlerins, a laissé place à un soleil radieux. Édouard enfile sa casquette à Nadia et vérifie si, de son fauteuil, elle aperçoit bien la statue de Marie. Nadia a sorti son chapelet de bois, et se joint avec ferveur aux Je Vous Salue Marie qui montent vers le ciel. Sa confiance est sans borne : « la Sainte Vierge, je lui parle tout le temps, et je crois qu’elle nous aide », confie-t-elle.

16h20
Il reste un peu de temps aux deux compères avant de rejoindre le groupe de Fraternité. L’occasion de prendre un café à leur hôtel, et de se livrer un peu : Nadia a été confiée toute petite à l’assistance publique. Par une amie, elle a découvert la foi chrétienne, et la Vierge Marie, dans laquelle elle a trouvé un amour maternel qui la console. Édouard, lui, menait une vie de chrétien « un peu ronronnante », avant de tomber gravement malade en 2012 : « J’ai relativisé beaucoup de choses, et approfondi ma foi, jusqu’à demander la confirmation. Le diacre qui accompagnait notre préparation nous a fait comprendre qu’il fallait faire quelque chose de ce sacrement. En parallèle, j’ai reçu, dans une effusion de l’Esprit, cette même invitation à m’engager. Il fallait que je donne. » C’est comme ça que, de maraudes en repas du dimanche, le jeune médecin est devenu président de sa Conférence.
17h
Yves, Marie-Reine, Luis Manuel et les autres, des personnes accompagnées du groupe de Dijon, se joignent à Édouard et Nadia pour le temps de Fraternité dans une salle de l’hôtel. À la même heure, ils sont 130 groupes à se réunir dans différentes salles de Lourdes. Édouard, qui s’est proposé pour faire partie des « bergers » animant ces temps de partage, allume une bougie. Aujourd’hui, ils entendent l’Évangile du Bon Pasteur. L’échange est profond, sans fard. À la lumière de la parole de Dieu, les participants confient leurs histoires de vies cabossées, avec leurs ombres, et aussi leurs lumières.

21h
Dans une nuit d’encre, des milliers de lumignons s’étendent en un long ruban derrière la statue de la Vierge couronnée, portée en procession par des participants aux Rencontres Nationales. D’autres encore portent les flambeaux ou la croix. Çà et là, de nombreux groupes de pèlerins ukrainiens lèvent vers le ciel leur drapeau jaune et bleu. Ils sont venus en pèlerinage implorer la paix. Nadia bat des mains : elle attendait ce moment avec impatience. Ses yeux brillent quand la Vierge passe devant eux.

Le lendemain
Il est 17h, on recroise Édouard et Nadia dévalisant un magasin de souvenirs à rapporter à leurs amis de la Conférence. Ils sont à la veille du départ : « Ça m’a beaucoup ravi de découvrir Lourdes à travers le regard plein de pureté de Nadia », confie Édouard, qui se réjouit de mieux connaître sa comparse et affirme avoir mieux découvert grâce à elle « le côté maternel de Marie ». Édifié par les temps de partage vécus en Fraternité, il regagnera Dijon « renforcé dans [s]on engagement vincentien ». Quant à Nadia, elle n’en finit plus de remercier la Sainte Vierge, et Édouard : « Il est gentil, dévoué pour les autres. Sans lui, je n’aurais jamais pu venir ! »

