Pier Giorgio Frassati, modèle pour les jeunes

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À Rome, des milliers de fidèles ont assisté dimanche 7 septembre à la cano­ni­sa­tion de Pier Gior­gio Fras­sati et de Carlo Acutis. Place Saint-Pierre, l’émo­tion était palpable, notam­ment parmi les jeunes de la Société de Saint-Vincent-de-Paul venus du monde entier. Par Valé­rie-Anne Maitre, rédac­trice en chef.

 

Dans la file d’at­tente qui mène vers la place Saint-Pierre, Paolo converse avec sa voisine. « Elle est brési­lienne ! Et moi, je viens de Guyane, même si aujour­d’hui j’étu­die à Paris. ». Hoche­ment de tête de la dame quand il lui raconte être venu avec la Société de Saint-Vincent-de-Paul, oui, elle connaît. La charité prônée par Frédé­ric Ozanam a traversé les fron­tières depuis long­temps. L’as­so­cia­tion est aujour­d’hui présente dans plus de 150 pays, dont le Brésil. 

Rendez-vous place Saint-Pierre

Ce dimanche 7 septembre, sur la via Ange­lica qui mène à la place Saint-Pierre, le monde entier s’est donné rendez-vous. Des Italiens bien sûr, des Améri­cains, des Espa­gnols… La tête de Carlo Acutis (1991–2006) s’aperçoit sur des écharpes, des polos ou des livrets. Un groupe de Cana­diens bran­dit fière­ment un drapeau avec la photo de l’autre saint du jour : Pier Gior­gio Fras­sati (1901–1925). Chez les jeunes de la Société de Saint-Vincent-de-Paul, c’est ce visage sur un fond de montagne qui se distingue sur les Tee-shirt, ainsi que sa devise « Verso l’alto » (vers le haut). Pour le moment, c’est plutôt « Verso l’at­te­sa… ma con gioia ! » (Vers l’at­tente mais avec joie) dans la file. Certains prient le chape­let à voix haute, d’autres terminent leur petit déjeu­ner. Portable en main, de jeunes pèle­rines véri­fient l’af­fluence sur la place sur la vidéo de Vati­can News. Une grand-mère dialogue avec sa petite-fille tandis qu’un groupe partage l’at­tente en visio avec des proches au bout du monde.

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Jeunes visages de la charité 

« Eh ! Tu es là !  » Mario salue Kevin qui fend la foule, enroulé dans un drapeau franc-comtois. Les deux jeunes se sont rencon­trés lors de la session d’été de la Société de Saint-Vincent-de-Paul, dans les Alpes en août dernier. Kevin, tout juste confirmé, a appro­fondi sa connais­sance de Pier Gior­gio Fras­sati lors de la session. « Pier Gior­gio cachait son action bien­fai­sante à sa famille, et moi, ça me marque. Dans ma famille non plus, il ne fallait pas trop que j’aille aider les pauvres. » Aujour­d’hui éduca­teur spécia­lisé à Besançon, il accom­pagne des autistes. Une façon d’exer­cer la charité auprès des plus fragiles jusque dans son travail. « Et puis, dans mon équipe de béné­voles, je parti­cipe aux maraudes, raconte-t-il, et je vais bien­tôt commen­cer les visites à domi­cile ou en EHPAD.  »

Trente minutes avant la célé­bra­tion, la patience des pèle­rins est récom­pen­sée. Une fois les contrôles de sécu­rité passés (« La gourde ça passe ? » ça passe), il est temps de s’ins­tal­ler sur la place Saint-Pierre. Une partie des jeunes de la Société de Saint-Vincent-de-Paul a trouvé des places assises. Pour les autres, il faudra se conten­ter des pavés. Soudain, une clameur :  surprise ! Le pape Léon XIV sort saluer les fidèles, juste avant le début de la messe. « Vous tous, nous tous, sommes appe­lés à être des saints. Bonne célé­bra­tion ! » 

Dans le ciel sans nuage de Rome, un drone surplombe la foule. Les écrans géants retrans­mettent les images pour les quelque 80 000 fidèles sont rassem­blés pour la première cano­ni­sa­tion célé­brée par le pape Léon XIV. Les portraits des deux futurs saints, Pier Gior­gio Fras­sati et Carlo Acutis, ornent d’ailleurs la façade de la basi­lique depuis plusieurs jours. Dans les rangs des offi­ciels, les familles des deux saints, dont les parents de Carlo Acutis.

« Très Saint Père, la Sainte Mère l’Église demande par Votre Sain­teté que soient inscrits au cata­logue des saints et procla­més comme saints par tous les fidèles chré­tiens les bien­heu­reux Pier Gior­gio Fras­sati et Carlo Acutis. » Le cardi­nal Marcello Semero, préfet du dicas­tère pour la cause des saints, prononce la demande rituelle puis lit une courte biogra­phie des deux jeunes Italiens. Réponse papale « Nous décla­rons et défi­nis­sons saints les bien­heu­reux Pier Gior­gio Fras­sati et Carlo Acutis » L’ins­tant est solen­nel, l’en­cens est élevé autour des reliques des deux saints. La messe peut commen­cer. Michele, le petit frère de Carlo Acutis s’avance pour la première lecture.

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Léon XIV, appelle les jeunes à la sain­teté

Sur la place, malgré la chaleur, l’as­sis­tance est recueillie pour entendre l’ho­mé­lie du pape Léon XIV. « Les saints Pier Gior­gio Fras­sati et Carlo Acutis sont une invi­ta­tion adres­sée à nous tous, surtout aux jeunes, à ne pas gâcher sa vie et à l’orien­ter vers le haut  ». Ces deux jeunes Italiens « ont cultivé l’amour pour Dieu et leurs frères à travers de simples moyens à la portée de tous : la messe quoti­dienne, la prière, en parti­cu­lier l’ado­ra­tion eucha­ris­tique.  » Repre­nant des paroles du nouveau saint de Turin, le pape ajoute « Si tu places Dieu au centre de chacune de tes actions, alors tu iras jusqu’au bout. » 

Midi, la messe s’achève. Léon XIV entame un tour de papa­mo­bile sur la place dans une nuée de télé­phones portables. L’homme en blanc embrasse les enfants que la foule lui tend. « Leone ! Leone ! Leone !  » Paolo, comme d’autres, s’est réjoui de voir le pape passer pas trop loin de lui. « Incroyable ! C’était un moment excep­tion­nel cette céré­mo­nie ici ! J’ai ressenti une très grande émotion, une sorte de… comment l’ex­pliquer ? Une sorte de commu­nion. » 

Pour les jeunes de la Société de Saint-Vincent-de-Paul, la célé­bra­tion marque la fin d’un week-end fort en émotion. Désor­mais, ils marchent dans les pas d’un saint qui les guide vers le haut. « À mon sens, c’est vrai­ment un exemple, confie Abra­ham, venu de Toulouse. Pier Gior­gio est un guide pour nous moti­ver dans nos acti­vi­tés béné­voles.  » Ce respon­sable de la distri­bu­tion de colis alimen­taires à Toulouse, entre­voit déjà comment cet appel à la sain­teté infu­sera dans les actions de son équipe. Fidèle à l’es­prit de la Société de Saint-Vincent-de-Paul, il sait que le plus impor­tant dans son action reste l’ac­cueil, l’écoute de l’autre, le geste frater­nel. Pour Mario aussi, cette cano­ni­sa­tion marque une étape sur un chemin déjà bien entamé : « Je pense que Pier Gior­gio avait compris que la foi et la charité vont ensemble. Cela nour­rit l’une et l’autre, on ne peut pas être catho­lique sans la charité. » A Bordeaux, dans l’équipe de Mario, les jeunes orga­nisent des maraudes dans les rues de la ville. Et chaque tour­née de rue est l’oc­ca­sion de rencon­trer le Christ en la personne des plus fragiles. 

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Fras­sati, lumière pour les béné­voles

Dans les rues, la foule des fidèles se disperse en quête d’un restau­rant pour dégus­ter une dernière pizza ou un solide plat de pâtes. La place Saint-Pierre est rendue aux touristes, les rames de métro se remplissent de pèle­rins heureux d’avoir été présents pour cette célé­bra­tion. Du côté des jeunes, il est temps de se dire au revoir, jusqu’à la prochaine rencontre. 

Ce dimanche sur la place Saint-Pierre, devant une foule enthou­siaste, le pape a dit « Aujour­d’hui encore, la vie de Pier Gior­gio est une lumière pour la spiri­tua­lité laïque. » Pour de nombreux béné­voles jeunes ou un peu moins jeunes, cette lumière brille plus fort désor­mais. Chacun, de retour dans son équipe locale, sait que « les petits gestes concrets, souvent cachés » peuvent mener à « la sain­teté de la porte d’à côté ».