« À Shma, on ne pose jamais de questions »
À Rouen, cette Association Spécialisée de la Société de Saint-Vincent-de-Paul est ouverte tous les jours aux personnes de la rue pour leur offrir écoute et amitié.
« Ici, pousse la porte qui veut, et on ne demande qu’un prénom », affirme Christiane Rousseau, la présidente de Shma : c’est ainsi, de manière absolument gratuite et inconditionnelle, que sont accueillies les personnes qui se présentent au local de cette association. Née de l’initiative de chrétiens du centre-ville de Rouen, qui s’étaient mis en quête d’un lieu plus confortable pour mieux entrer en relation avec les personnes de la rue avec lesquelles ils avaient pris l’habitude de bavarder à la sortie de la messe, elle fête cette année ses quarante ans. L’association a aujourd’hui à cœur d’en conserver l’esprit, fait de simplicité et d’écoute, comme le montre son nom, tiré de l’invitation biblique « Écoute ». « À part un petit-déjeuner et la domiciliation du courrier, on ne donne rien », explique la présidente de l’association qui ouvre ses portes de 9h à 10h30 toute l’année, 7 jours sur 7, et deux après-midi par semaine.
« Ici, c’est bien, on n’a pas à raconter ses guerres », s’est réjoui un jour un habitué de Shma. Contrairement aux services sociaux et à leurs questionnaires en tous genres, « nous ne posons jamais, jamais, de question », continue Christiane Rousseau. C’est peu à peu, dans cet espace laissé au respect et à la fraternité, que « la confiance se donne, et que les personnes livrent petit à petit leur histoire ».
Cette amitié teintée de respect et de pudeur, répond à un besoin crucial, tant ces personnes en rupture sont « extrêmement sensibles ». La quarantaine de bénévoles est formée à l’écoute. « Cette posture, reprend la responsable, requiert de faire très attention : ne rien déduire, ne pas parler à leur place, et ne jamais juger. » Certaines personnes, parce que leur histoire est difficile à supporter, sont parfois tentées d’embellir la réalité, remarque-t-elle : « mais nous ne sommes pas là pour les juger, alors nous les écoutons quand même. » Après 21 ans à Shma, celle-ci s’émerveille de la générosité qu’elle reçoit en retour. Elle en a des exemples à revendre. Comme ce manteau de marque trouvé par cette jeune fille récemment arrivée et qu’elle lui a offert avec tout son cœur : « Il t’ira si bien. »
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